Acrobaties multiples des chefs de famille-exigences folles des épouses- querelles conjugales: Les ménages à l’épreuve de la Tabaski…

Acrobaties multiples des chefs de famille-exigences folles des épouses- querelles conjugales: Les ménages à l’épreuve de la Tabaski…

Considérée à l’origine comme un acte simplement religieux, la Tabaski est devenue un phénomène de société. Au Sénégal, cet événement est fêté en grandes pompes par toutes les composantes de la société. Sur ce registre précis, les femmes, championnes des rendez–vous festifs, impriment leurs marques à l’Aïd El Kébir. Certaines d’entre elles ont des exigences rocambolesques qui ne sont pas à la portée de leurs maris « goorgorlous ». Cette situation est souvent à l’origine de conflits conjugaux. Incursion dans l’univers des couples à problèmes… 
 

« La Tabaski est l’un des événements, sinon l’événement que je redoute le plus. En cinq ans de mariage, toutes les crises que j’ai connues au sein de mon foyer sont relatives à cette fête. Mon épouse a des exigences folles que j’arrive à satisfaire péniblement ».  « L’histoire risque de se répéter pour moi. Elle a encore fixé la barre très haut ». Ces propos de Moussa Diop, un agent de l’administration résidant dans le populeux quartier de Pikine, traduisent parfaitement la hantise qui s’empare de nombreux chefs de famille à quelques jours de la célébration de l’Aïd El Kébir, prévue ce jeudi 29 juin 2023. M. Diop rajoute : « Ma femme ambitionne d’arborer un tissu très cher de genre gezner qui dépasse la centaine de milliers de FCFA. À cela s’ajoutent un bélier gras et des parures de haute gamme. Sans cela, je risque de passer des moments d’enfer. Il me faut faire de nombreux sauts d’obstacles pour réaliser ses vœux ». À l’instar de Moussa Diop, Ousseynou, un agent de la santé, ne dort plus depuis près d’un mois du sommeil du juste. La Tabaski constitue un véritable cauchemar pour lui : « Je ne sais pas comment faire pour résoudre les nombreuses équations liées aux contraintes émanant des caprices de mon épouse. Je m’adonne à des acrobaties multiples pour satisfaire ma conjointe et les enfants qui aiment s’habiller à la manière des adultes Il faut  trouver à ma dulcinée que j’appelle « Adiana » deux habits à porter dont l’un le matin et l’autre le soir. C’est la tradition dans notre rue située à Niary Tally. Quant au mouton, pour épater la galerie, n’en parlons pas. Pour couronner le tout, elle me demande de changer les meubles du salon. Pour une journée de fête, c’est trop ». Et se souvient-il : « l’année dernière, à cause de deux exigences non satisfaites, elle avait opté pour la rupture momentanée dénommée « fay » en wolof ». Il m’a fallu des mains et des pieds pour la ramener au domicile conjugal »

Pas question de « ray mu dé, rayul mu dé »

Cette année, Mouhamadou Makhtar envisage une hypothèse qui ne va certainement pas faire plaisir à sa conjointe. À l’en croire, cette année, il va changer de fusil d’épaule : « je fête l’évènement selon mes moyens. L’année dernière, j’avais emprunté beaucoup d’argent. Madame l’a dépensé sans compter. Elle n’a aucune notion de l’avenir ». Pourra-t-il tenir le pari ? Là réside son challenge. Cette phobie semble hanter Alassane, un technicien de l’informatique polygame: « Depuis cinq jours, je fais le tour des foirails pour me procurer deux béliers de qualité comme le veulent mes deux épouses ».
Alassane connaît tellement ses épouses qu’il fait tout pour leur procurer des bêtes qu’elles ne récuseraient pas. Selon lui : « Elles n’aiment pas ce qu’elles qualifient de « Ray mu dé, rayul mu dé » (péjorativement squelettique). Doudou qui ne semble pas souffrir des caprices ruineux de sa douce moitié, s’en prend aux hommes qui veulent, quel que soit le prix, se conformer au diktat de leur épouse. Sa conviction est que les hommes doivent s’assumer pleinement en tenant compte des exigences financières : « Chercher à satisfaire les caprices financiers de son épouse pour se retrouver ensuite avec une montagne de dettes, relève d’une cécité conjugale », déclare-t-il. En tout cas, certains époux sont sur des sièges éjectables. La gestion de la vie du couple en cette période de Tabaski est des plus délicates. Pour sa part, Mme Diop dont l’époux est un comptable, ne semble pas surfer sur le Net de la raison.
Selon elle : « Nous n’avons que cette fête grandiose que nous devons sublimer. Je suis prête même à consommer la rupture, le divorce si mon mari n’agit pas en Seigneur. C’est «le gentleman agreement» qui nous lie. Cela ne se négocie pas », martèle-t-elle, les poings fermés. Et ajoute-t-elle : « Pour cette fête, j’exige à mon époux un bélier gras, des habits de luxe pour moi et mes enfants et qu’il me donne suffisamment d’argent de poche. Sans cela, il n’aura pas la paix à l’intérieur de la maison. À chaque fois qu’il a voulu transgresser cela, j’ai mis la demeure conjugale sens dessus, sens dessous », s’enorgueillit-elle. Avec ces intransigeances féminines, beaucoup de maris végètent dans une mare de contraintes.   Pour cet enseignant du nom de Abdoulaye Dramé : « depuis que ma femme sait que le Président Macky Sall a haussé considérablement nos salaires, elle se comporte en femme dépensière. C’est vraiment dommage ».
Mme Sall dont le mari n’a même pas aperçu le diable pour tirer sa queue, avec son étal à Colobane, affiche ses prétentions : « J’ai des désirs, il faut qu’ils soient satisfaits totalement », déclare-t-elle sans autre forme de procès. Cette forte pression pousse certains époux à tenter de faire plaisir à leurs conjointes par des actions de témérité, quitte même à ne plus posséder le billet de transport pour se rendre à leur lieu de travail. Face à ce que des esprits nourris à la source de la métaphore appellent « la fête du mouton”, un septuagénaire du nom de Ndiaga Bâ prodigue des conseils en demandant aux responsables de familles de limiter leurs ambition. Sinon, de nombreux Sénégalais risquent d’être sacrifiés par le mouton…  

Juillet risque d’être le mois le mois le plus long de 2023

« Je ne retiens jamais les leçons de la fête. Cette fois-ci encore, après avoir festoyé, je vais galérer tout  mois à venir. Dur, dur sera le mois de Juillet », prédit Abdoulaye Ndiaye, un technicien de l’automobile.  Ce sentiment semble trouver un écho favorable auprès de Mme Faye, veuve de son état, qui étale ses regrets : « Comme leur père n’est pas vivant, je cherche à leur procurer le maximum de plaisir. Sûr que le mois à venir sera un mois de galère ». Pour sa part, Moussa Sarr, un enseignant réputé être proche de ses sous, est tombé dans le piège de l’ostentation. Il se laisse aller à des confidences : « Tous mes principes sont tombés à l’eau comme un château de cartes. J’ai succombé aux pressions de mon épouse et de mon entourage. Pour la première fois de ma vie, j’ai acheté un bélier à plus de  200.000 Fcfa. Sans compter les dépenses connexes liées à cette grande fête. J’ai commencé à souffrir ». Et poursuit-il ; « mon salaire du mois de Juin est destiné à payer des dettes. Il me faut faire de multiples acrobaties pour assurer la dépense quotidienne. Je prie pour qu’aucun membre de la famille ne tombe malade. Je me sens coupable d’avoir géré le regard des  autres ». À la question de savoir s’il referait la même chose la prochaine fois, notre interlocuteur sans porter de masque répond : « Que voulez-vous ? On ne peut pas être insensible aux délices de ce monde. Les fêtes sont organisées pour être vécues même s’il faut y laisser des plumes », lâche cet épicurien qui croit à la douceur de vivre. 

Son compagnon, surfe quant à lui sur les vagues du réalisme : « C’est un seul jour, je ne vais pas dépenser follement au risque de me priver de l’essentiel' », conseille Tapha. Sa sœur Oulimata s’inscrit en porte-à-faux contre cette perception : « Vivre, c’est porter en soi des contradictions. Interpellé sur cette propension des Sénégalais à fêter à tout prix, le sociologue Samba Mbaye soutient : « La réalité sociale au Sénégal a sa dynamique propre. Elle résiste aux principes les plus sacrés. Face à cette donne, chacun d’entre nous devra distinguer l’essentiel de l’accessoire ».

Amadeus

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