Affectation – Rapprochement familial : Les enseignants retournent au bercail

Affectation – Rapprochement familial : Les enseignants retournent au bercail

Dix jours avant le début des grandes vacances pour le personnel enseignant, le ministère de l’Education nationale a édifié les enseignants demandeurs d’affectation à travers sa plateforme «Mirador». Et cette année encore, les régions du Nord et de l’Est voient un départ massif pour peu d’arrivées. Dans la deuxième inspection du département de Podor, l’Ief de Pété, la mode est au retour pour enseigner dans sa localité ou celle voisine. Un retour pour des raisons économiques et sociales que les enseignants ne cachent pas.

 Le 19 juillet dernier, le Mouvement national d’affection des enseignants a été acté. Les régions de Saint-Louis et Matam ne font que constater ce qui est devenu une règle : un grand départ d’enseignants et peu d’arrivées. Ainsi, la région de Matam enregistre 364 départs pour seulement 31 arrivées, alors que l’Académie de Saint-Louis voit 216 enseignants quitter pour 174 qui arrivent. Dans ce vaste départ d’enseignants de la région de Saint-Louis, les deux inspections du département de Podor (Ief de Podor et Pété) sont celles qui subissent plus de saignées chaque année.

Le mouvement national des enseignants : une saignée au Fouta
Créée en 2014, l’Inspection de l’éducation et de la formation de Pété, qui couvre 11 communes sur les 22 du département de Podor, fait partie des zones où les départs d’enseignants laissent un grand vide dans les écoles. Une vraie saignée ! Mais, la création de cette inspection (proche des écoles sous sa tutelle par la distance) a fait que les enseignants natifs de la zone y reviennent pour servir dans leur localité ou dans une localité proche. De Bodé Lao à Diaba Decklé (plus de 137 écoles élémentaires), les postes de directeur d’école sont gérés par des ressortissants de ces villages ou des localités proches. Et 60% des enseignants sont de retour chez eux.

Des postes de directeur d’école gérés par des enseignants locaux
Depuis presque 3 ans, il est difficile de gagner une direction à l’élémentaire, via le Mou­vement national des mutations des enseignants, dans l’Inspec­tion de l’éducation et de la formation de Pété. Car les postes sont gérés par des enseignants revenus chez eux. Les écoles élémentaires d’Aéré Lao, de Méri, Cas-Cas, Madina Ndia­thbé, Pété, Lougué, Galoya, Mbolo Birane sont dirigées par des enseignants «en service à la maison». Ou d’une localité voisine. C’est le cas des écoles élémentaires de Diaba, Saldé, Karawoyndou et celles situées dans l’île à Morphil. Ainsi, avec la proximité de Pété, les enseignants originaires des localités polarisées par cette inspection ont fait du service dans sa localité, une mode.

A côté même des directeurs d’école, d’autres enseignants demandent des mutations pour un poste d’adjoint afin de revenir servir à domicile. Et de nombreux enseignants, venus pour la plupart du département de Matam, ont envahi l’Ief de Pété dans l’objectif de revenir pour servir chez eux. Même si les 5 inspections de l’Education et de la formation voient le départ massif d’enseignants avec peu d’arrivées, l’Ief de Pété reçoit de plus en plus d’enseignants revenus dans leur localité. Ceci permet peu à peu la stabilité dans les écoles.

Aujourd’hui, les départements de Matam, Kanel, Podor, à chaque fin d’année, constatent amèrement le départ massif d’enseignants. Des maîtres pourtant qui ont commencé leur service dans ces départements, demandent à être affectés à partir de leur troisième année. Et le Fouta devient une zone où des enseignants sont affectés pour leur première année dans l’enseignement, et une fois qu’ils ont acquis une certaine expérience, partent pour être remplacés encore par d’autres nouvellement sortis des écoles de formation.

A Pété, on compte déjà 50 départs pour 10 arrivées au niveau de l’élémentaire. Mais, cette saignée annuelle n’épargne pas les collèges et lycées du Fouta. Et comme dans l’Admi­nistration, les supérieurs hiérarchiques se font la part belle. Les inspecteurs d’Aca­démie de Matam et Saint-Louis, pour résorber le gap dans les lycées et collèges, soustraient aux écoles élémentaires leurs enseignants titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur pour en faire des chargés de cours.

Les départements de Matam et Kanel, qui comptaient alors entre 2002 et 2014, un grand nombre d’enseignants originaires de la région de Saint-Louis (départements de Saint-Louis et Podor), sont confrontés d’année en année au départ de ces derniers pour rejoindre des écoles situées dans l’Inspection de l’éducation et de la formation de Pété où ils sont originaires. Un retour pour enseigner dans leur localité devenu une mode. Une règle !

Un retour pour des raisons économiques et sociales
Des directeurs d’école, comme leurs adjoints, sont revenus en force dans les écoles où ils sont originaires ou où ils ont fait leurs études pour des raisons économiques et sociales. Ce retour dispense à ces agents de l’Etat des dépenses liées au loyer, à la popote dans leur localité de service, ajoutées à la prise en charge de la famille au village car ils sont bien des chefs de famille ou des soutiens de famille. Pour Seydou T. Anne, directeur de l’Ecole Pété 2, qui a servi dans le département de Matam puis à Dakar, le retour à la source avec la fonction de directeur est sans regret. Il explique : «Après mon retour à Pété où se trouve ma famille, j’ai pu contracter un prêt et j’ai construit ma maison. Un prêt que j’ai pu supporter seulement en étant chez moi.» Mais, il confie qu’alors en service à Dakar, il voyait son père vieillir sans rien pouvoir faire. «Durant l’année scolaire, dit-il, je ne laisse que des femmes à la maison, et de nombreuses personnes m’ont conseillé de revenir pour rester aux cotés de mes parents.» Comme M. Anne, Mamadou Sambou, directeur de l’école de Gadiobé après quelques années dans le département de Kanel, a rejoint l’école de son village, Lougué. M. Sambou dit ne pas regretter cette affectation dans son village. Pourquoi ? «Cela m’a permis d’être à jour financièrement. Et depuis deux ans, je suis le directeur de l’école de Gadiobé et je n’y ai pas logé car j’ai une moto. Je reviens à chaque descente chez moi», dit-il. Comme le directeur de l’école de Gadiobé, ils sont nombreux dans l’Ief de Pété, directeurs d’école en moto du lundi au vendredi, qui quittent leur village pour se rendre dans leur lieu de service pour ne jamais y passer la journée ou la nuit.

C’est le même constat chez plusieurs directeurs d’école de retour chez eux. Les enseignants se félicitent aussi d’avoir atteint l’objectif social qui avait guidé leur demande d’affectation. Vivant dans leur famille, ils s’occupent de l’éducation des enfants mais aussi de la sécurité de leur foyer. Tout en admettant l’effet positif sur leurs économies après avoir rejoint une école située à moins d’un kilomètre de chez eux. Amadou Sy, directeur de l’école de Lougué Sébbé, se dit très heureux de faire la navette quotidienne entre son école et son domicile. Mieux, l’enseignant ajoute : «J’arrive à assister à toutes les cérémonies familiales et en tant qu’aîné, c’est un devoir pour moi. Et cela a été possible avec mon rapprochement.» Les directeurs ne sont pas les seuls à rejoindre leur localité, car il y a leurs adjoints aussi.

A l’élémentaire comme dans les collèges, les personnels enseignants en service dans leur localité prennent des proportions considérables. Ceux qui sont affectés dans les localités voisines habitent chez eux et se déplacent à moto quotidiennement pour se rendre dans leurs écoles. Le bonheur de servir chez soi ou tout près se lit sur le visage des enseignants interrogés. Messieurs Thiam et Dia expliquent qu’ils ne pensent plus à demander une affectation jusqu’à la retraite. «Travailler tout près de sa famille, il n’y a rien de tel. Et puis je m’occupe de ma famille et j’arrive à faire un petit investissement dans un autre domaine qui commence à me rapporter», admet le second.

Pour avoir réussi leur retour dans leur localité pour y servir, les enseignants (directeurs comme adjoints) n’imaginent pas quitter pour le même service. Et ils encouragent leurs collègues à faire comme eux. Seydou T. Anne lance un appel : «Dans l’Ief de Pété, certaines écoles font de très bons résultats car la majorité des enseignants servent dans leur localité. L’encadrement est permanent et il y a à chaque fois le dépassement de soi. Donc, j’encourage vraiment le retour massif des enseignants, et évidemment dans la commune de Pété.»

Même si les 5 inspections de l’Education et de la formation du Fouta voient le départ massif du personnel éducatif avec peu d’arrivées, l’Ief de Pété reçoit de plus en plus d’enseignants de retour au bercail. L’objectif est double : se faire une santé financière et avoir une stabilité dans leur famille. Et il a été atteint par la plupart d’entre eux.

Départ des enseignants : Matam, Kédougou et Tamba, les grandes victimes

Il s’est tenu le 19 juillet dernier, la cérémonie habituelle du Mouvement national des enseignants. A l’issue de ce mouvement, 4 mille 194 enseignants dont 3427 femmes ont obtenu des affectations. Pour le Ministère de la formation professionnelle, de l’artisanat et de l’insertion (Mfpai), 110 enseignants changent de poste.

Comme chaque année, les régions de Matam, Kédougou et Tamba ont été saignées par des départs. Matam a connu 364 départs contre seulement 31 arrivées. Ce qui fait un gap de 333 enseignants.

Pour la région de Tamba, 276 enseignants ont quitté la région contre seulement 41 arrivées, ce qui fait un déficit de 235. La région de Kédougou également a connu une vague de départs avec 213 enseignants, et n’a enregistré que 4 arrivées.

Amadeus

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