Parlement de la Cédéao : Les députés rejettent une intervention militaire au Niger
Réunis en session extraordinaire virtuelle sur la situation politique au Niger, samedi 12 août 2023, les députés de la Cédéao n’ont pas pu s’accorder sur une position claire du Parlement en dépit d’une majorité d’intervenants qui se sont prononcés en faveur du dialogue et contre toute intervention militaire dans le pays.
C’est la première session que consacre le Parlement de la Communaute économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) au Niger, deux jours après le second Sommet des chefs d’Etat de l’organisation régionale qui a retenu, comme option, l’intervention militaire tout en restant favorable à une issue pacifique de la situation que traverse le pays.
La session plénière a débuté par la présentation d’un mémorandum sur la situation politique qui prévaut au Niger, depuis le 26 juillet 2026 et la prise du pouvoir par la junte militaire du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), qui a destitué le régime du Président Bazoum Mohamed. Après cet exposé, la parole a été donnée aux députés et sur les 21 interventions enregistrées par la plénière, 18 se sont prononcées contre une quelconque intervention militaire au Niger, 2 pour et une sans avis sur la question.
De manière générale, les députés qui se sont prononcés contre une action militaire au Niger ont mis en avant les risques pour le pays mais aussi les conséquences sécuritaires pour l’ensemble de la région. De leur côté, les quelques députés qui se prononcés en faveur de cette option envisagée par les chefs d’Etat, avec à leur tête le Président Sidie Mohamed Tunis, ont, quant à eux, attiré l’attention de la plénière sur le fait que le parlement, en tant qu’institution de la Cédéao, ne doit pas aller à l’encontre des décisions prises par l’institution communautaire contre les autorités militaires du Niger.
A l’issue de cette session virtuelle, les parlementaires de la Cédéao n’ont pas pu s’accorder sur l’adoption d’une résolution pour affirmer clairement la position de l’institution sur la question. Un comité a été mis en place pour faire des propositions que la Plénière examinera lors d’une nouvelle session virtuelle, qui a été convoquée ce lundi 14 août.
Les députés communautaires ont cependant validé la mise en place d’une délégation pour poursuivre les négociations entre la Cédéao et les membres de la junte au pouvoir à Niamey. Selon le Président du Parlement, les modalités de cette initiative doivent être discutées, au plus vite, avec le Président en exercice de la Cédéao, le président du Nigeria, Bola Ahmed Tinubu, et cette nouvelle initiative a pour avantage de réunir des représentants originaires des différents pays impliqués.
Médiation et levée des sanctions
Au sortir de cette session, les députés Boukary Sani « Zilly » du Niger et Salifou issa du Bénin ont rapporté que dans l’ensemble, les parlementaires ont prôné la poursuite du dialogue avec les nouvelles autorités de Niamey afin d’éviter le recours à l’usage de la force qui comporte beaucoup de risques pour le pays mais aussi les pays voisins du Niger, membres de la Cédéao.
Les deux parlementaires ont également souligné que les députés ont dans leur intervention beaucoup plaider pour la levée de certaines sanctions décidées par les Chef d’Etat de la Cédéao et qui amplifient les souffrances pour les populations déjà assez éprouvées. Il s’agit de l’ouverture des frontières pour permettre aux marchandises d’entrer au Niger. « Actuellement, plus de 1000 camions sont bloqués au Bénin, à la frontière avec le Niger, et ce sont des produits alimentaires et des médicaments pour les populations », a par exemple déploré le député béninois. Le député nigérien a pour sa part évoqué la suspension de la fourniture de l’électricité au Niger par le Nigeria, et qui « fait encore souffrir davantage les populations ».
Selon les mêmes sources, les députés communautaires ont salué les initiatives de médiation qui se poursuivent comme celle que conduit actuellement à Niamey, une délégation des leaders religieux du Nigeria. Après avoir rencontré le Président Ahmed Bola Tinubu au Nigeria, la délégation des oulémas est arrivée hier samedi à Niamey où elle a eu des échanges avec le Président de la transition, le général Abdourahamane Tchiani, ainsi que le premier ministre Ali Lamine Mahamane Zeine. Au sortir de leur audience avec le Chef de l’Etat, Cheikh Bala Lau, un des membres de la délégation, a indiqué qu’à la suite de leur rencontre la veille du dernier sommet de la Cédéao, avec le président en exercice, président du Nigéria, Bola Ahmad Tinubu, « nous lui avons expressément demandé de nous laisser rencontrer les nouvelles autorités du Niger afin de discuter des voies et moyens de régler pacifiquement cette situation. Il nous a autorisé et encouragé à tout faire pour privilégier le dialogue et la compréhension mutuelle qui a toujours existé entre les peuples du Niger et du Nigéria, qui partagent tout, depuis des millénaires ». Et selon le leader religieux, « nous repartons confiants des échanges fructueux avec le Chef de l’Etat nigérien et nous allons rapporter au Président Tinubu, les souhaits des autorités nigériennes à la résolution diplomatique de la situation ».
De son coté, le premier ministre de transition Lamine Zeine a déclaré que cette rencontre, qui a été élargie aux leaders religieux du Niger, est importante en ce sens qu’elle vise à rapprocher les deux pays, le Nigéria et le Niger, et les oulémas ont fait passer le message du Président nigérian au Chef de l’Etat du Niger. « Il les a chargés d’expliquer que nous voudrions voir se lever les mesures inhumaines, iniques et inacceptables, parce qu’en contradiction avec les dispositions et règles même de la Cédéao », a indiqué le chef du gouvernement nigérien avant d’ajouter : « nous restons ouverts pour conduire cette médiation et arriver à réduire toutes ces contraintes et revenir à une situation normale ».
AYB/ac/APA