La plateforme « Chemin de la Libération » envoie une lettre au Président de l’Union des Magistrats du Sénégal
La plateforme « Chemin de la libération » a envoyé, ce jeudi 14 septembre 2023, une correspondance au Président de l’Union des Magistrats du Sénégal, Ousmane Chimère Diouf pour protester « contre l’instrumentalisation de la Justice. »
Voici l’intégralité de la lettre !
« A MONSIEUR OUSMANE CHIMERE DIOUF, PRESIDENT DE L’UNION DES MAGISTRATS DU SENEGAL (UMS)
OBJET : Lettre ouverte de protestation contre l’instrumentalisation de la Justice au service de la politique de répression du mouvement populaire du Président Macky SALL
Nous, organisations politiques et mouvements de la société civile membres de la plateforme dénommée « Chemin de la libération », d’une part, et engagés pour la libération des détenus politiques, d’autre part, vous adressons cette lettre ouverte pour dénoncer l’instrumentalisation de la justice sénégalaise par le pouvoir partisan du Président Macky SALL et au service de la répression du mouvement populaire.
Dès le préambule de sa Constitution, la République du Sénégal a proclamé la séparation et l’équilibre des pouvoirs. De même, l’article 88 du même texte pose le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif. Toutefois, à l’épreuve de la pratique, nous constatons que le régime en place a fini d’assujettir la justice aux lubies et caprices du dictateur. L’élimination de tous les adversaires politiques redoutables du régime, la liquidation de toutes les voix discordantes ainsi que le démantèlement des appareils politiques et sociaux crédibles, ont été froidement exécutés ces dernières années par des magistrats sur commande de l’exécutif.
Du dossier « forces spéciales » au fameux « combat final » en passant par « commando PASTEF », sans oublier les vagues d’arrestations systématiques de mars, avril, mai, juin, juillet et août 2023, le temple de Thémis a soumis toutes les forces protestataires à la guillotine judiciaire.
Monsieur le Président,
Nous sommes tristes de constater que la violation permanente par les autorités étatiques des libertés fondamentales et des droits inaliénables des citoyens tels que la liberté d’opinion, la liberté d’expression, la liberté de la presse, la liberté de réunion et la liberté de manifestation, s’effectue avec les couleurs des Cours et Tribunaux. Pourtant, l’article 91 de la loi fondamentale indique que le pouvoir judiciaire est gardien des droits et libertés définis par la Constitution et la loi. Le droit à la vie, un droit fondamental et sacré, a été allègrement piétiné dans notre pays sous le silence complice et coupable des magistrats sénégalais.
En effet, les massacres crapuleux d’innocents citoyens en mars 2021, juin 2023 et récemment à Khossanto, ont été perpétrés dans une totale impunité. Et jusque-là, aucune poursuite judiciaire n’a été enclenchée afin de situer les responsabilités, d’identifier les auteurs et de les sanctionner conformément à la loi.
Monsieur le Président,
Aux termes de notre Constitution, le Sénégal est un Etat de droit dans lequel l’Etat et les citoyens sont soumis aux mêmes normes juridiques. Ce principe qui édicte l’Equité, est placé sous le contrôle d’une justice indépendante et impartiale.
Mais, confrontés à la rigueur des faits, nous avons le regret de constater que la justice sénégalaise a pris parti pour le camp du pouvoir en place. A titre d’illustration, une immunité totale est accordée aux malfrats et auteurs de carnages financiers contre les deniers publics au moment où l’expression d’une simple opinion par un opposant l’expose à un mandat de dépôt en mode « Fast Track ».
Pendant ce temps, l’audit de la Cour des comptes sur la gestion des fonds Covid-19, les multiples rapports de l’OFNAC, le dossier des 94 milliards, les 6000 milliards du pétrole ainsi que le trafic de faux billets incriminant un ancien député de la coalition au pouvoir, n’ont toujours pas connu un dénouement judiciaire. Au contraire, les rares décisions judiciaires intervenues à l’encontre d’acteurs politiques sont en défaveur des opposants et ont fini d’installer le Sénégal dans un chaos indescriptible. À chaque fois que le pays est dans une instabilité politique, c’est soit une ordonnance, soit un jugement, soit un arrêt, qui est à l’origine.
Monsieur le Président,
Il nous paraît utile de vous rappeler aujourd’hui que dans l’exercice de leurs fonctions, les magistrats ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi. Cependant, ce principe à valeur constitutionnelle semble remis en cause par le comportement répréhensible des magistrats du parquet et des juges d’instruction sénégalais qui privent mécaniquement les citoyens de leur liberté par le biais de mandats de dépôt injustes et illimités, sur instruction de la hiérarchie à coloration politique.
Monsieur le Président,
Nous pensons que la même indignation qui vous avait conduit à faire une conférence de presse le 14 mars 2022 pour répondre aux propos de l’opposant Ousmane SONKO, devrait vous pousser à condamner publiquement les incessants dérapages du Garde des sceaux, Ismaila Madior FALL, sur le dossier dit « Sweet beauté » et la contumace y découlant. Face à cette désinformation permanente du ministre de la Justice, vous devez faire preuve de courage et d’objectivité.
Monsieur le Président,
Pour conclure, nous sommes consternés de voir maintenant que le clientélisme et la flagornerie ont fini de prendre le dessus sur la compétence et le mérite dans le traitement et la gestion de la carrière des magistrats. Dans tous les Cours et Tribunaux, les juges intègres et sérieux sont systématiquement mis à l’écart au profit des plus soumis et obséquieux qui sont promus au rang de chefs de juridiction et de parquet.
En vous renvoyant à votre vocation originelle de dire le droit en toute indépendance et au nom du peuple sénégalais, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos salutations respectueuses.
Pour la plateforme « Chemin de la Libération ». »