Au-delà de nos antagonismes, notre humanité (Par Amadou SOKHNA, enseignant, écrivain)

Au-delà de nos antagonismes, notre humanité (Par Amadou SOKHNA, enseignant, écrivain)

Extraire la morale de la politique pour faire cette dernière en ne mettant en avant que les aspirations qu’elle implique, c’est dire implicitement (peut-être explicitement même), que la politique n’est pas une activité digne de l’Homo sapiens. Lorsque nos aspirations mondaines, notre ego, notre égoïsme et l’animalité qui sommeille en chacun d’entre nous se disputent notre personne, nos actions et notre pensée, la morale demeure la seule et unique chose qui vaille et dont nous devons nous servir pour garder notre aplomb avec la dose minimale requise d’humanité. Hélas, en lieu et place de « la politique et la morale », l’on semble nous proposer « la politique ou la morale ».

Les antagonismes sont inhérents à la nature humaine. Faudrait-il parler d’Abel et de Caïn? Et l’histoire de l’humanité a toujours mis l’Humain aux prises avec ses semblables. Mais ce n’est pas pour dire que pouvons agir comme Caïn dans le cadre de nos oppositions avec nos semblables, même si tout porte à croire que certains d’entre nous agiraient comme lui si nous n’étions pas dans une société avec des normes et des lois assez dissuasives pour nous épargner certaines pratiques.

L’histoire politique récente de notre pays a malheureusement réussi à nous habituer à une situation où tout le monde ou presque se regarde en chien de faïence, se souhaitant parfois le pire. Le mal de la politique incarne et sème parfaitement bien le démon de la division dans notre société, affectant profondément les principes de base de la vie en communauté.

Les faits sont assez graves pour qu’on en parle.
Nous avons d’une part des individus, des Sénégalais qui ne se gênent point de se réjouir de voir leurs semblables vivre les affres de la vie carcérale et même, pour certains, engager le pronostic vital.
Et d’autre part, d’autres Sénégalais qui se réjouissent manifestement de la mort de certains de leurs compatriotes juste parce que ces derniers ont, dans le cadre de leur profession et de leurs ponctions respectives, joué un rôle dans le processus judiciaire qui a conduit leur leader en prison ou l’a privé de certains de ses droits.
Les discours tenus par certains à l’occasion du décès du juge Samba Sall, de l’avocat Me Ousmane Seye et, plus récemment de M. Pape Serigne Niang (ex Sous-Préfet des Almadies) confinent à une pathologie non encore nommée et plus grave que la psychopathie, mais dont le virus n’est rien d’autre que la politique. Nous avons touché le fond, même si nous insistons à surestimer notre humanité résiduelle; et il nous faut impérativement retourner à l’orthodoxie humaine et humaniste. Autrement, quel legs politico-moral comptons-nous laisser à la postérité?
Oserons-nous dire à nos enfants toute la vérité sur nos pratiques politiciennes et sur la façon dont la politique nous a aliénés et nous a pris une bonne partie de notre humanité et de notre foi?

L’histoire risque de ne pas nous pardonner.

Amadou SOKHNA, enseignant, écrivain

Amadeus

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