Loi des Finances initiale 2024: Les explications de  Moustapha Bâ

Loi des Finances initiale 2024: Les explications de  Moustapha Bâ

La Commission des Finances et du Contrôle budgétaire s’est réunie, le jeudi 26 octobre 2023, sous la direction de Monsieur Seydou DIOUF, Président de ladite Commission, à l’effet d’examiner, les documents budgétaires relatifs au Projet de Loi de Finances initiale pour l’année 2024, que sont notamment le rapport économique et financier ; les Recettes ; la Dette publique et les Projets de budget des Pouvoirs publics. Votre canard préféré a parcouru ledit rapport.

À la suite du mot de bienvenue et des félicitations du Président de la Commission, le Ministre des Finances et du Budget a fait l’économie des orientations majeures du Projet de Loi de Finances initiale pour l’année 2024, se fondant sur  d’une part, les données significatives du Rapport économique et financier

et d’autre part, les réflexions pertinentes, de haute portée, émises au cours du débat général.

« Abordant le Rapport économique et financier, le Ministre a, après avoir fait le point sur le bilan de l’année 2023, tracé les grands axes de la politique économique et budgétaire du pays.

Ainsi, il a articulé son intervention autour de trois points : (I) les développements économiques récents et les perspectives, (II) le cadre de gestion des finances publiques et (III) la présentation du Projet de Loi de Finances initiale 2024 », renseigne le rapporteur du jour.

LES DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS ET LES PERSPECTIVES

Le Rapport économique et financier (REF), annexé au Projet de Loi de Finances initiale 2024, repose sur le cadrage macroéconomique 2023-2024. Il met en exergue la volonté du Gouvernement de poursuivre la mise en œuvre de son important programme économique et social inscrit dans le Plan Sénégal émergent PSE, dont la phase II du Plan d’Actions prioritaires ajusté et accéléré (PAP2A) atteint son point d’achèvement à fin 2023. Il a été exécuté dans un contexte international particulier marqué par l’avènement de la Covid-19 et de la crise entre

la Russie et l’Ukraine, avec comme corollaire des tensions sur les échanges extérieurs de certains produits et un relèvement conséquent des cours des matières premières de base et des niveaux des prix intérieurs. Sur le plan interne, la dynamique de l’activité économique serait renforcée en 2024, par le démarrage effectif de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières qui devraient avoir un impact significatif sur la croissance.

Croissance de l’activité économique mondiale de 3,0%

S’agissant particulièrement de l’année 2023, les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI) du mois de juillet tablent sur une croissance de l’activité économique mondiale de 3,0%, imputable, notamment à la poursuite des mesures de durcissement des conditions de financement et de la persistance de l’inflation à l’échelle mondiale.

Quant aux perspectives de l’économie mondiale en 2024, il fera noter qu’elles sont moins reluisantes. Globalement, le ralentissement de l’activité économique mondiale devrait poursuivre sa tendance baissière avec un taux de croissance

projeté à 3,0% en 2024.

Au niveau national, en 2023, les prévisions de croissance sont revues à la baisse au regard des incertitudes dues aux tensions géopolitiques (guerre russo- ukrainienne, conflit au Moyen-Orient, et des conditions sécuritaires dans la sous- région) ainsi que les tensions sociales internes. Le report de la production de

pétrole et de gaz a contribué à la révision à la baisse de la croissance de 2023, qui avait été prévue dans l’édition du mois d’avril de la Situation économique et financière du Sénégal (SEF). Toutefois, l’activité économique interne devrait rester dynamique à la faveur des effets attendus des différentes mesures de soutien à l’économie nationale ainsi que l’exécution en cours du second compact MCA- Sénégal « Power to compact », a-t-il rassuré.

Inflation évaluée à 7, 6%

Globalement, au regard des tendances observées sur les huit (8) premiers mois et des perspectives pour le reste de l’année, le taux de croissance du PIB réel devrait ressortir à 4,1% en 2023 contre 4,2% en 2022. Poursuivant son propos, le Ministre dira que l’année 2023 devrait également être marquée par le relèvement substantiel du niveau général des prix. Ainsi sur les

neuf (9) premiers mois, l’inflation est évaluée à 7,6% contre 8,5% en 2022 à la même période. Au titre des perspectives, l’année 2024 devrait coïncider avec le démarrage de la

troisième phase du Plan d’Actions prioritaires (PAP3). Elle devrait être principalement soutenue sur le plan interne par la production de pétrole et de gaz ainsi que ses effets indirects sur l’économie nationale. Le cadre macroéconomique sera aussi consolidé grâce à une politique budgétaire centrée sur la rationalisation et l’efficacité des dépenses publiques.

Au total, précisera-t-il, le taux de croissance du PIB réel est projeté à 9,2% en 2024 contre une prévision de 4,1% en 2023. Cette croissance serait essentiellement tirée par le secondaire (+20,6%) et, dans une moindre mesure, par les secteurs primaire (+4,8%) et tertiaire (+6,0%).

LE CADRE DE GESTION DES FINANCES PUBLIQUES

1. Évolution récente des finances publiques

« Au chapitre des finances publiques, le Ministre a rappelé qu’en 2023, l’évolution de la gestion budgétaire est marquée par la poursuite de la relance économique, à travers les importants programmes de développement engagés dans le PAP II ajusté et accéléré (PAP-2A). Par ailleurs, les investissements devraient se consolider au niveau des sous-secteurs de l’agriculture et des infrastructures », renseigne le rapport qui poursuit ; « globalement, le déficit budgétaire, dons compris, est projeté à 1045,4 milliards FCFA, soit 5,5% du PIB dans la LFI 2023, contre une réalisation de 1054,2 milliards FCFA (soit 6,1% du PIB) à fin décembre 2022. Les ressources totales de l’État sont projetées en hausse de 10,8% (+383,2 milliards FCFA), passant de 3 536,3 milliards FCFA en 2022 à 3 919,5 milliards FCFA pour l’année 2023. Elles sont constituées de recettes budgétaires pour une valeur de 3 640,5 milliards FCFA et de dons à hauteur de 279 milliards FCFA ».

Pression fiscale

En ce qui concerne, toujours selon le rapport,  la pression fiscale au titre de l’année 2023, elle ressortirait à 18,3% du PIB, contre 18,2% observé un an auparavant. Quant aux dépenses publiques, elles sont prévues à 4 964,8 milliards FCFA à la fin de l’exercice 2023 contre 4 590,4 milliards FCFA en 2022, soit un accroissement de 374,5 milliards FCFA (+8,2%). Cette évolution serait portée par la progression de l’investissement qui devrait s’accroître globalement de 309,2 milliards FCFA (+24,2%) pour s’établir à 1 588,2 milliards FCFA en fin 2023.

Hausse des dépenses courantes en 2023

La missive révèle que s’agissant des dépenses courantes,  le Ministre dira qu’elles passeraient, globalement, de 3 311,4 milliards FCFA en 2022 à 3 376,7 milliards FCFA en 2023, soit une hausse de 2,0%, traduisant les effets de la progression de la masse salariale et des charges d’intérêt. En effet, la masse salariale (hors prestations sociales) est attendue en hausse de 12,0% pour aboutir à 1 235 milliards FCFA en 2023. Cette évolution devrait refléter la prise en compte des engagements de l’État en termes de revalorisation des salaires des agents du secteur public.

Progression des charges d’intérêt sur la dette

Quant à la progression des charges d’intérêts sur la dette, elle serait imputable principalement à la hausse de 90,4milliards FCFA des intérêts intérieurs projetés à 151,7 milliards FCFA en 2023. Ce relèvement des dépenses courantes seraitatténué par le repli des « transferts et subventions » arrêtés à 1321,6 milliardsFCFA, a précisé le Ministre.

Fondement de la loi de finances initiale 2024

Le Ministre a indiqué que le Projet de Loi de Finances (PLF) pour 2024 revêt un caractère particulier, voire historique car, avec un montant de 7 003,6 milliards FCFA, ce budget établit de nouveaux records. Il est également historique, parce qu’il va permettre au Sénégal de toucher ses premiers revenus issus de

l’exploitation des hydrocarbures. Il est, par ailleurs, historique dans la mesure où c’est la dernière loi de finances préparée par un Président de la République qui ne sera pas candidat à sa propre succession, et qui va l’exécuter pendant seulement trois mois, a-t-il ajouté. Cependant, le PLF 2024 n’est pas une pièce isolée. Il s’inscrit, selon le Ministre, dans une stratégie globale commencée depuis 2014 et qui a pour ambition de faire rentrer le Sénégal dans le club des pays émergents, d’ici à 2035. Cette œuvre collective a déjà réussi à changer le visage de notre pays en moins de dix ans.

Le PLF 2024 qui découle en effet de la vision du Président de la République, porte l’empreinte indéniable du PSE et s’inscrit ainsi en droite ligne du troisième Plan d’Actions Prioritaires (PAP 3) pour la période 2024-2028.

Si on se fie audit rapport, toutes les politiques publiques qu’il s’attache à financer tournent autour de la nécessité de relever cinq défis :

– la construction d’une économie compétitive, inclusive et résiliente ;

– le développement d’un capital humain de qualité et la capture du dividende démographique ;

– le renforcement de la résilience des communautés face aux risques de catastrophes ;

– la consolidation de la gouvernance et ;

– la promotion d’une administration publique moderne, transparente et performante.

Juguler les effets néfastes du coût de la vie

Il a également indiqué que l’ambition du Gouvernement est de juguler, dans les meilleurs délais et de la meilleure manière possible, les effets néfastes du coût élevé de la vie, tout en parachevant les chantiers en cours et en créant les conditions d’une dynamisation des activités de production, la création de revenus et d’emplois décents.

En fait, il s’agit d’un budget orienté essentiellement vers la satisfaction des priorités, notamment, le maintien des actions de protection sociale et de soutien aux ménages pour faire face au renchérissement des prix, à la poursuite des mesures de relance de l’activité économique avec l’accélération des programmes

d’investissement (infrastructures, assainissement et santé), à la consolidation des marqueurs sociaux (bourses familiales, PROMOVILLES, PUDC, PUMA, etc.) et au renforcement de la sécurité. De même, les stratégies de rationalisation des

dépenses de consommation publique seront poursuivies afin d’accroître les marges de manœuvre budgétaire de l’État conformément aux instructions du Président de la République.

Par ailleurs, la poursuite des investissements dans le secteur de la santé, le renforcement du secteur agricole, le soutien aux ménages les plus vulnérables, le renforcement des projets d’infrastructures (extension de l’exploitation du Train express régional à l’aéroport (AIBD) et le démarrage du BRT constitueront les axes majeurs dans la prochaine loi de finances, a-t-il indiqué.

Au total, il dira que pour toutes ces raisons, ce projet de budget, bâti de manière prudente et orthodoxe, s’attache prioritairement à trouver des solutions concrètes sur mesure, de nature à entraîner des répercussions sur le quotidien des citoyens et à relever les défis induits par les tensions géopolitiques à l’échelle mondiale et sous-régionale, pour une relance économique.

Présentation du Projet de Loi de Finances initiale 2024

Le Ministre a indiqué qu’au regard des considérations susmentionnées, les recettes du PLFI pour l’année 2024 sont arrêtées à 4 915,2 milliards FCFA contre 4 096,4 milliards FCFA pour la LFI 2023 et les dépenses à 5 755,4 milliards FCFA contre 5 141,9 milliards FCFA. Comparé à la LFI de 2023, ce projet de budget 2024 connaît une hausse des recettes de 818,8 milliards FCFA en valeur absolue (+20% en valeur relative) et des dépenses de 613,5 milliards FCFA en valeur absolue (+11,9% en valeur relative), a-t-il relevé.

Ledit projet de loi est bâti sur une prévision de croissance de 9,2%, contre 4,1% en 2023 et un déficit budgétaire attendu à 3,9% contre 4,9% en 2023. Ce déficit devrait poursuivre une tendance à la baisse pour converger vers le plafond communautaire de 3,0% à compter de 2025 à la faveur de la dynamique de croissance vigoureuse sur la période 2024-2028, ainsi que de l’amélioration de l’efficacité et de l’efficience des dépenses publiques, a-t-il soutenu.

Par ailleurs, si l’on se réfère à l’ancienne méthode comptable utilisée jusqu’en 2019, les chiffres du PLFI 2024 seraient de l’ordre de 7 003,6 milliards FCFA, lorsqu’il est ajouté, dans le périmètre des dépenses, l’amortissement de la dette publique (1 248,21 milliards FCFA) conformément à ladite méthode.

Recettes du Budget Général

S’agissant des recettes du Budget général arrêtées en 2024 à 4 693 736 900 000 de FCFA, le Ministre a affirmé qu’elles sont composées des recettes internes pour un montant de 4 389 980 000 000 de FCFA, et des recettes externes d’un montant de 303 756 900 000 FCFA (dons budgétaires pour un montant de 47 156 900 000 de FCFA et des tirages sur dons en capital pour un montant de 256 600 000 000 FCFA).

Globalement, la pression fiscale est projetée à 19,4% du PIB en 2024 contre 18,3% au titre de la LFI 2023, soit une progression de 1,1% correspondant à une hausse de 693,3 milliards FCFA. Cette progression serait le résultat mécanique de la croissance avec 9,2% d’augmentation du PIB, de l’embellie certaine des taxes sur biens et services ainsi que du renforceront des dispositifs de contrôle la DGID et de la Douane. Aussi, les administrations iront-elles traquer toutes les niches de recettes qui leur échappent jusqu’ici ; ambition qui avait justifié la mise en œuvre de la Stratégie de Recettes à Moyen Terme (SRMT).

S’agissant des recettes des Comptes spéciaux du Trésor, elles sont arrêtées à 221,5 milliards FCFA en 2024, soit une hausse de 25,2%. Elles sont constituées essentiellement des comptes d’affectation spéciale pour 195,0 milliards FCFA (7,2 milliards FCFA destinés au fonds intergénérationnel, 15,2 milliards FCFA au fonds de stabilisation et 168,5 au Fonds national de Retraite) et des comptes de prêts positionnés à hauteur de 20,8 milliards FCFA.

Quant aux dépenses du budget général, le Ministre a informé qu’elles sont programmées à 5 533,9 milliards FCFA pour l’année 2024, soit une progression de 568,9 milliards FCFA en valeur absolue et de 11,5% en valeur relative par rapport à la LFI de 2023.

Les intérêts sur la dette publique et la masse salariale devraient, selon lui, progresser respectivement de 36,3% et 13,3% pour s’établir à 578,3 milliards FCFA et 1 442,5 milliards FCFA en 2024. Ainsi, le ratio de la masse salariale y compris les prestations sociales, rapporté aux recettes fiscales devrait atteindre 34,5% en 2024 contre 36,5% pour la LFI 2023.

Concernant les dépenses d’acquisitions de biens et services et de transferts, elles sont programmées à 1 676,9 milliards FCFA.

Quant aux dépenses en capital (dépenses d’investissement) de la LFI de 2024, il fera noter qu’elles sont prévues à 1 836,3 milliards FCFA contre 1 588,2 milliards FCFA dans la LFI de 2023, soit une hausse de 15,6%.

Les dépenses des Comptes spéciaux du Trésor sont quant à elles programmées à 221,5 milliards FCFA en 2024.

COMPTE-RENDU DU DÉBAT GÉNÉRAL

Le Ministre a été interpellé sur les causes du retard dans l’exploitation de ces ressources et sur le montant des retombées qui seront issues du pétrole et du gaz ainsi que leur impact sur le budget en fin d’année.

Relativement à la performance notée dans la mobilisation des ressources internes, le Ministre a été interpellé sur la disponibilité du rapport d’activités de la DGID, sur le manque de moyens, notamment humains au niveau de l’administration

financière, particulièrement la Douane, ainsi que sur la situation du Centre des services fiscaux de Koungheul.

Concernant les flux financiers illicites, vos Commissaires ont exprimé leurs inquiétudes quant à l’ampleur du blanchiment d’argent et ont interpellé le Ministre sur les mesures prises pour la sortie du Sénégal sur la liste grise du Groupe d’action

financière (GAFI).

Abordant les revenus de la solidarité active, ils ont préconisé le rattachement de l’action sociale au sein du ministère des Finances et du Budget. Relativement à la loi d’orientation sociale, ils ont réclamé la mise en place de la Haute Autorité

chargée du handicap. À cet égard, il a été considéré que le financement de l’action sociale doit être réalisé uniquement sur ressources internes.

Par ailleurs, vos Commissaires se sont appesantis sur l’impact des dépenses fiscales sur les finances publiques. Ils ont ainsi suggéré le renforcement du programme « Yaatal » de la DGID pour augmenter la pression fiscale.

Le Ministre a également été interpellé sur l’état d’exécution du budget de l’exercice 2023 ainsi que sur les modalités de contrôle des finances publiques par les services de son département.

En outre, vos Commissaires se sont interrogés sur la hausse du budget de certaines juridictions, comme le Conseil constitutionnel.

Sous un autre chapitre, certains Commissaires ont exprimé leur profonde inquiétude quant au niveau d’endettement de notre pays. Ils ont, dès lors, plaidé la rationalisation de la dette publique qui, diront-ils, sera indubitablement insoutenable à ce rythme, comme en attestent les prévisions du projet de budget

2024 consacrées au paiement de la dette.

Toujours sur la dette, ils ont demandé des éclaircissements sur les conditions du prêt de 168 milliards FCFA, récemment contracté auprès du FMI, tout en souhaitant une utilisation optimale de cet emprunt pour réduire notamment la pauvreté persistante et l’émigration irrégulière. Sur ce dernier point, ils ont préconisé le renforcement des moyens des gardes frontaliers pour leur permettre de mieux faire face à la recrudescence de ce phénomène.

Les raisons de la politique en faveur des jeunes

À ce niveau, le Ministre a été interpellé sur les raisons de l’échec de la politique en faveur de la Jeunesse.

Au titre de la croissance, certains Commissaires sont restés dubitatifs quant au taux arrêté et ont souhaité mieux comprendre les bases d’une projection fort ambitieuse.

Par ailleurs, conscients de l’impact négatif de la baisse des subventions de l’énergie sur les couches vulnérables, vos Commissaires ont estimé qu’une telle mesure est malvenue dans un contexte d’inflation. Ils ont ainsi interrogé le Ministre sur les secteurs qui seraient le plus impactés et lui ont invité à une mise en œuvre ciblée de cette mesure avec notamment une tranche sociale appliquée aux ménages vulnérables. Ils lui ont aussi demandé de communiquer davantage sur les subventions pour permettre aux Sénégalais de recevoir la bonne information. D’une manière générale, ils se sont renseignés sur les stratégies de  la bonne tenue des finances publiques ainsi que sur les raisons de l’augmentation du PIB en un temps record.

Vos Commissaires se sont félicités des efforts de rationalisation des dépenses, mais ont demandé les raisons de l’explosion de la masse salariale. Au titre des investissements, certains Commissaires ont magnifié les performances accomplies depuis quelques années, alors que d’autres ont relevé le contraste entre les efforts déployés en la matière et les résultats obtenus.

Au sujet des Institutions constitutionnelles, certains Commissaires sont revenus sur la gestion des crédits de l’Assemblée nationale, tout en relevant le manque criard de logistiques.

Ils ont ainsi déploré les retards de paiement de l’indemnité de transport des députés, octroyée en lieu et place de véhicules administratifs, et ont demandé si cette indemnité forfaitaire globale payée aux hauts fonctionnaires a déjà fait l’objet d’une évaluation.

Par ailleurs, des Commissaires se sont interrogés sur le budget spécifique attribué à la Primature qui n’est pas une institution constitutionnelle ainsi que sur le maintien de certaines Institutions, telles que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT) dont, selon eux, la plus-value sur l’indice de démocratie reste à prouver. Soucieux de la situation de certaines entreprises publiques qui traversent une période difficile, vos Commissaires ont demandé les dispositions prises pour éviter une crise, notamment à la RTS, au quotidien Le Soleil et à Dakar Dem Dikk (DDD). D’ailleurs, ils se sont interrogés sur l’articulation entre DDD et BRT dans le secteur du transport public de masse.

Cependant, au vu de la faible contribution des entreprises publiques aux dépenses des ménages, il a été suggéré le renforcement du secteur privé national, à travers notamment le développement du contenu local et l’octroi de titres de domaines.

Au sujet des agents des collectivités territoriales, vos Commissaires ont demandé les mesures préconisées pour mettre fin à leur grève. Ils ont également interrogé le Ministre sur l’état d’avancement des propositions sur la création d’une fiscalité propre aux départements.

De plus, l’inaccessibilité de certains directeurs au niveau des régies ainsi que le retard dans la délivrance de certains actes, notamment les baux, ont été déplorés.

Par ailleurs, vos Commissaires ont plaidé pour le renforcement des secteurs primaire et secondaire ainsi que la reconstitution du capital semencier, notamment par la régénération de la qualité des sols ainsi que la résolution du problème de stockage des produits. Ils ont aussi demandé un accompagnement des acteurs pour une meilleure campagne de commercialisation de l’arachide. La tenue des états généraux sur la situation de la SONACOS a aussi été recommandée.

En outre, il a été sollicité une subvention aux producteurs de la filière laitière, afin de favoriser l’élevage intensif.

Sur un autre registre, vos Commissaires ont bien apprécié les efforts de l’État dans le domaine de l’électrification rurale, tout en demandant plus d’équité territoriale dans ce domaine. Sous ce rapport, ils ont demandé le niveau de maillage de l’électrification rurale ainsi que la part du PACASEN rural pour l’atteinte de cet objectif. Le Ministre a également été interpellé sur le démarrage effectif dudit programme. En outre, vos Commissaires ont souhaité l’entretien des routes et le renforcementdes pistes rurales, notamment dans la région de Kaolack. Vos Commissaires se sont, enfin, réjouis de la mission du FMI au Sénégal et surtout de leur séance de travail avec l’Assemblée nationale.

Rappel du ministre des Finances

Reprenant la parole, le Ministre des Finances et du Budget a salué le bon déroulement des débats qui ont porté sur de pertinentes problématiques. Il a également magnifié ce moment fort d’expression de soutien et d’accompagnement de la part de vos Commissaires, tout en les remerciant pour leurs prières, félicitations et encouragements.

Relativement au projet de budget 2024, il a d’abord rappelé son cadrage. En effet, celui-ci a été élaboré dans un contexte où l’environnement économique mondial est défavorable. D’ailleurs, les conséquences se font ressentir sur l’économie

nationale. Selon lui, la première raison est liée aux conséquences toujours persistantes de la Covid-19, en ce sens que la relance économique mondiale n’est pas encore effective. À Diamniadio, dira-t-il, une unité de production de vaccins

contre cette pandémie est en train d’être construite. Or, n’eût été la Covid-19, cet investissement devait servir à satisfaire une autre demande sociale.

La deuxième raison, selon le Ministre, est liée aux tensions géopolitiques au Moyen-Orient. Le budget a été bâti autour d’une hypothèse de 80 dollars pour le baril du pétrole. Pourtant, au 24 octobre, le baril était déjà à 94 dollars. Aussi, la LFI 2023 prévoyait-elle 450 milliards FCFA de subventions à l’énergie. Au 26 octobre dernier, les subventions étaient de 556 milliards FCFA, alors qu’il restait encore 2 mois de gestion. Donc, le conflit au Moyen-Orient impacte négativement l’économie nationale, a-t-il ajouté.

En outre, le conflit russo-ukrainien impacte notre économie, en ce sens que les chaînes d’approvisionnement sont désorganisées et les coûts de transport sont renchéris. Le Sénégal est en effet en train de perdre 142 milliards FCFA de recettes fiscales, avec le renoncement à certains taxes et droits de douane, notamment celles assises sur le riz et le blé.

Le Ministre s’est ensuite appesanti sur la revue à la baisse la croissance à 4,1% due notamment au ralentissement de l’activité économique pendant le premier semestre. En effet, la contribution du secteur des services à la croissance a baissé

à cause des tensions sociopolitiques à l’interne et au report de la production du pétrole et du gaz. Toutefois, comparé aux autres pays de l’Afrique au sud du Sahara, le Sénégal reste performant malgré les difficultés déjà citées, car la croissance dans cette zone est de 3,3%.

Absence de LFR

Répondant à l’interpellation sur l’absence de LFR, malgré la baisse de la croissance, il fera noter que depuis la mise en œuvre du PSE, les budgets comportent deux réserves à savoir la réserve de gestion et la réserve de précaution. Ainsi, si la première permet de faire face à la conjoncture ou encore à respecter le cadrage budgétaire global, la seconde est constituée de projets identifiés et qui ne sont mis en œuvre que lorsque les objectifs de recette sont atteints. Ainsi, dans le cadre de la gestion en cours, des réaménagements budgétaires ont été faits et seront retracés dans la loi de règlement 2023, qui sera soumis au Parlement. Par conséquent, il n’y avait pas de difficultés à pouvoir exécuter correctement le budget sans recourir à une LFR, a-t-il précisé.

Abordant les recettes, le Ministre a indiqué que les recettes externes n’ont augmenté que de 24,3 milliards FCFA, alors que les recettes internes ont évolué de 749,5 milliards FCFA pour atteindre 4693,7 milliards FCFA, compte non tenu de l’exploitation du pétrole et du gaz. D’ailleurs, dira-t-il, le taux de croissance, hors exploitation du gaz et du pétrole, tourne autour de 6% puisque ces ressources n’impactant que pour 3,2%. En outre, il a fait état du déficit budgétaire hors recettes pétrolières. Celui-ci est en effet calculé et constitue même un engagement dans le cadre de notre programme économique. Il a également précisé que les ressources n’ont augmenté que de l’ordre de 500 milliards FCFA. En effet, depuis 2014, les recettes budgétaires augmentent d’au moins 10% chaque année. Par* conséquent, combiné à l’exploitation du pétrole et du gaz, les prévisions de recettes du budget 2024 restent sincères.

Relativement aux dépenses, le Ministre dira que les charges financières de la dette, composées des intérêts et des commissions, passent de 424,3 milliards

FCFA en 2023 à 578,3 milliards FCFA pour 2024. Cette hausse est liée au resserrement des conditions de financement du fait de l’augmentation, notamment du cours du baril de pétrole et des produits alimentaires. Toutefois, le Sénégal consolide sa souveraineté budgétaire. Quant au taux de pression fiscale, il sera à19,42% en 2024.

Revenant sur l’augmentation des dépenses de personnel, le Ministre a précisé que le ratio de la masse salariale par rapport aux recettes fiscales est à 34,5%, en deçà de la norme communautaire qui est de 35%. Il a également relevé que, malgré les observations sur les budgets du CESE et du

HCCT, le train de vie de l’État a baissé. En effet, les dépenses y afférentes, rapportées à la richesse nationale sont attendues à moins de 8% pour 2024 contre 12% en 2012

Sur les dépenses d’investissement, le Ministre dira qu’elles sont renforcées de 248,1 milliards FCFA, alors que la politique de protection sociale des populations reste en vigueur.

Abordant la trajectoire du déficit budgétaire, il dira que le Sénégal a travaillé à le réduire petit à petit. En effet, en 2012, il tournait autour de 8% alors que dans le projet de budget 2020, il a été ramené à 3%. Avec la Covid-19 et notamment le

PRES de 1000 milliards FCFA, le déficit est passé à 6,5%, et dans la LFI 2023, il était de 5,5%. Toutefois, en cours de gestion 2023, avec les rationalisations et le meilleur ciblage, le déficit budgétaire est attendu à 4,9%, soit une réduction de

0,6%. Par ailleurs, la réserve de précaution et la réserve de gestion ont permis de neutraliser les pertes issues des recettes des hydrocarbures. Aussi, avec la signature de la 5G, le Sénégal a-t-il enregistré 17 milliards FCFA de recettes nouvelles. Toutefois, le montant qui y est attendu dépasse 30 milliards FCFA.

Autant de raisons qui ont conforté le FMI afin qu’il conclût positivement la première revue de notre programme économique et financier. Ainsi, en 2024, le déficit budgétaire sera de 3,9% et pourra être consolidé en 2025 à 3%. Dans les

différentes LFI, le financement du déficit budgétaire est autorisé par le Parlement, a-t-il ajouté.

Nouveau programme économique et financier

Le Ministre est ensuite revenu sur le nouveau Programme économique et financier avec le Fonds monétaire international, pour un montant de 1156 milliards FCFA.

Ce programme est structuré autour de quatre axes, correspondants chacun à ceux du PSE, à savoir le renforcement des finances publiques ; l’amélioration de la gouvernance ; la construction d’une économie résiliente et inclusive ; la consolidation de la résilience aux changements climatiques.

Sur ce dernier point, il a informé que le FMI a félicité le Sénégal en relevant, lors d’un point de presse, qu’en 10 ans, pour la première fois en Afrique, un pays élabore un budget vert.

D’ailleurs, ce programme conçu à partir du PSE a été présenté au FMI qui a marqué son accord et s’est engagé à le financer de juin 2023 à juin 2025. Lorsque le dossier a été examiné par le Conseil d’administration, le 26 juin 2023, un premier décaissement de l’ordre de 129 milliards FCFA a été fait. Ensuite, à la* faveur des conclusions de la dernière revue du programme, qui a été concluante, le 14 décembre, un décaissement de 166 milliards FCFA sera fait ; soit au total

295 milliards FCFA de ressources décaissées correspondant à 26,1% de l’enveloppe globale du programme.

Il a aussi informé de la prochaine revue qui est prévue en mai 2024, bien après l’élection présidentielle. L’autre se tiendra en décembre 2024 et le dernier à mai 2025, afin de permettre le décaissement de 861 milliards FCFA, soit 73,9% de

l’enveloppe. Il s’agit, donc, d’un programme qui transcende les systèmes électoraux, a-t-il précisé.

Endettement du Sénégal

Concernant l’endettement, le Ministre a d’abord fait noter qu’une analyse de viabilité de la dette (AVD) a été faite en avril et mai 2023. Il est ainsi revenu sur les différents risques de surendettement (faible, modéré, élevé et en détresse) puis

sur les indicateurs de viabilité et de liquidité de la dette. Il a aussi rappelé que, suivant le dernier rapport de la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), publié le 12 avril 2023, le Sénégal fait partie des

pays à risque de surendettement modéré. Il en a profité pour communiquer des informations sur les seuils du Sénégal.

Sur les subventions, le Ministre a souligné que le Gouvernement se doit de tout faire pour que les tensions inflationnistes ne se répercutent pas sur les couches vulnérables.

Abordant l’exécution budgétaire de 2023, le Ministre a annoncé qu’au 20 octobre, le niveau d’exécution est de l’ordre de 80%. Déjà pour les biens et services, le niveau est d’environ 95% ; les transferts courants à 79% alors que les transferts en capital sont à 91%. Ce n’est qu’au niveau du titre 5, relatif aux investissements exécutés par l’État et adossés à des marchés, qui nécessitent des procédures relativement longues, où on note un pourcentage d’exécution d’environ 32%.

Rapport de la Cour des Comptes

Abordant le Rapport de la Cour des Comptes sur les Fonds de la Covid-19, le Ministre a annoncé que 85 recommandations ont été faites et celles-ci sont en train d’être mises en œuvre. Des correspondances ont été adressées aux départements ministériels concernés pour avoir exactement le niveau d’exécution de ces recommandations. En effet, 18 recommandations portent sur le dispositif de Pilotage, de contrôle, 55 recommandations concernant la mobilisation des

ressources et les modalités d’exécution des dépenses et 12 recommandations portaient sur les mesures fiscales.

Le Sénégal a été félicité par les partenaires techniques et financiers sur l’exécution des fonds Force Covid-19. Tous les pays du monde sont allés prendre des cabinets privés pour auditer l’exécution de leurs dépenses et le Sénégal a commandité un audit par le biais de la Cour des Comptes. D’ailleurs, tous les appuis budgétaires qui étaient liés à la gestion vertueuse de ces fonds ont été reçus par le gouvernement du Sénégal, tenant compte de la transparence et de l’exécution adéquate du programme de résilience économique et sociale, a-t-il conclu.

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