Budgets du Sénégal sous Senghor, Diouf, Wade et Macky: Quand Moustapha Ba réécrit l’histoire…
Lors de la Présentation du Budget 2024 à l’ Assemblée Nationale, le ministre des Finances et du Budget Moustapha Bâ nous a fait un rappel important. Celui-ci est lié aux différents budgets que les différents régimes ont eu à gérer. Retour sur cette déclaration.
« Après ces quelques considérations générales, il est temps à présent de revenir sur le contenu du projet de budget 2024. Son montant, vous le connaissez : 7003,6 milliards de francs CFA, contre 6411,5 milliards CFA en 2023, soit une augmentation de 592,1 milliards FCFA en valeur absolue et 9,2% en valeur relative », a tenu à souligner Moustapha Bâ. Et ce dernier d’embrayer : « je pense que je n’ai pas besoin d’insister sur la manière dont ces 7003,6 milliards ont été calculés. Certains voudraient qu’on en retranche les 1248,2 milliards FCFA correspondant à l’amortissement de la dette en 2024, pour afficher un budget de 5 755,4 milliards FCFA ».
« D’abord, j’estime que ce serait tromper le Parlement que de mettre en avant un budget qui ne comprendrait pas le remboursement du capital de la dette. Même si, pour des raisons comptables qui n’intéressent que les experts, ce remboursement qui constituait une dépense budgétaire au sens de la loi n° 2001-09 du 15 octobre 2001 et qui ne l’est plus du point de vue de
la loi 2011-15 du 08 juillet 2011 abrogée par la loi 2020-07 du 26 février 2020, nous avons privilégié l’approche qui vous renseigne sur le fait que 1248,2 milliards FCFA vont être consacrés en 2024 à l’amortissement de la dette publique », fait-il savoir avant d’insister en ces termes : « l’autre approche, qui aboutit en fait à camoufler cette information derrière l’obscur terme « opération de trésorerie », nous paraît moins transparente vis-à-vis du Parlement, même si elle satisfait quelques experts ».
Pour lui : « mais au-delà de cela, vous aurez noté qu’en matière budgétaire, la comparabilité des données est essentielle. Sans comparaison historique, impossible de savoir si on avance, on recule ou bien on stagne ». Il renseigne qu’ en 1981, le dernier budget préparé par le Président Léopold Sédar SENGHOR s’élevait à 191,6 milliards FCFA, dont le service de la dette. En 2000, le Président Abdou DIOUF a quitté le pouvoir en laissant un budget de 831,5 milliards FCFA, comprenant le service de la dette. En 2012, le dernier budget du Président Abdoulaye WADE s’élevait à 2344,8 milliards FCFA, y compris le montant du service de la dette.
Il poursuit pour dire : « nous sommes en 2023 et certains voudraient nous reprocher d’avoir préféré dire à l’Assemblée Nationale, qu’en adoptant cette loi de finances, vous autorisez en réalité le paiement de 7003,6 milliards FCFA, incluant l’amortissement de la dette ».
« Ainsi, Monsieur le Président de la République, son Excellence Macky SALL laissera à son successeur un budget de 7 003,6 milliards FCFA. Je laisse l’Assemblée Nationale en juger », déclare-t-il. Il n’a pas manqué d’insister sur les recettes du Budget de l’ Etat.
Recettes de l’ Etat
« Permettez-moi à présent de revenir sur les recettes du budget de l’État, dans le cadre du PLF 2024. Vous l’aurez constaté : elles vont augmenter de 20% par rapport à 2023. Rien que les recettes fiscales devraient croître de 693,3 milliards de FCFA », laisse entendre le ministre des Finances qui avoue : « c’est ambitieux mais c’est faisable. Et nous le ferons. Déjà nous avons fait passer nos recettes internes de 1 656 milliards FCFA en 2012 à 3 640,5 milliards FCFA en 2023. En 11 ans, les recettes internes auraient été multipliées par 2,2 », note-t-il avant de relever : « pas au prix d’une « battue fiscale », comme a eu à le titrer un journal de la place. Mais je préfère vous le dire : les mauvais contribuables auront du souci à se faire car les administrations fiscale et douanière se sont dotées d’un plan de bataille, ainsi que de moyens inédits, pour aller traquer chaque franc qui, jusqu’ici, échappait à la caisse du trésor public. Sont particulièrement visés l’immobilier de luxe et les titulaires de hauts revenus évoluant notamment dans les professions libérales. Ce plan de bataille, c’est la SRMT : Stratégie de Recettes à Moyen de croissance attendu à 9,2%, le plus important de l’histoire du Sénégal », soutient-il avant de lancer : « Pour le Gouvernement, le pétrole et le gaz représentent une opportunité, mais pas la solution à tous les problèmes du Sénégal ».
Nous sommes attentifs à la situation des pays qui ont tout misé sur la
rente d’hydrocarbures et qui se retrouvent, plus tard, victimes de la
« malédiction du pétrole ».
Notre politique économique s’appuie sur plusieurs moteurs de
croissance. J’en veux pour preuve : en 2024, le taux de croissance hors
hydrocarbures est estimé à 6%.
Monsieur le Président,
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Mesdames, Messieurs,
Plus de recettes, pour plus de dépenses, car nos ambitions pour le
Sénégal restent intactes.
On pourrait penser que dans le contexte d’une année électorale, un Chef
de l’État non candidat à sa propre succession, n’afficherait pas un tel
volontarisme budgétaire.
Mais ce serait mal connaître le Président Macky SALL : jusqu’au bout,
jusqu’à la dernière minute, lui et son Gouvernement feront avancer ce
pays. Car nous sommes dans une république ; ce ne sont pas les destins
individuels qui comptent. La seule chose qui compte, et qui nous réunit
ici, c’est le bien-être des Sénégalais, cet objectif ultime auquel le PSE est
tout entier dédié.
Toutefois, et j’ai déjà eu à l’expliquer ici, plus de dépenses ne signifie
pas plus de charges de gestion. Vous savez que depuis 2012, nous nous
efforçons de rationaliser nos dépenses de fonctionnement, c’est-à-dire
de faire en sorte que les services publics fonctionnent de manière
optimale, mais en consommant le minimum de ressources possible.
Il faut que le même véhicule roule le même nombre de kilomètres mais
en brûlant moins de carburant : c’est la réduction des dépenses.
Mais si l’on veut que le même véhicule roule une distance supérieure, en
un temps plus réduit et en consommant moins de carburant, là on est
dans la rationalisation.
Exercice difficile s’il en est, mais exercice qui porte ses fruits puisque les
dépenses de fonctionnement de l’État (y compris les transferts courants,
c’est-à-dire les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales
et celles du secteur parapublic) sont passées de 12% du PIB en 2012, à
8,78% en 2024.
En matière d’investissement par contre, c’est le mouvement inverse.
Je ne vous apprends rien : l’histoire de la présidence de Macky SALL sur
le plan budgétaire est celle d’un effort soutenu et inlassable pour
augmenter les investissements publics.
Et 2024 ne fait pas exception, avec une hausse de 15,6% par rapport à
2023.
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Une particularité mérite d’être soulignée : les dépenses d’investissement
financées sur ressources internes vont croître de 23,3%, là où celles
financées sur ressources externes augmentent de 5%.
Ce que cela révèle est très simple : le Sénégal s’inscrit de plus en plus
sur la voie de la souveraineté budgétaire. Nous dépendons de moins
en moins de l’aide publique au développement et nous comptons de plus
en plus sur nos seules forces.
C’est, ni plus ni moins, l’un des enjeux de la SRMT dont je vous parlais
tout à l’heure.
Il est cependant bon de préciser que ce dynamisme budgétaire
n’empêche pas le Gouvernement d’être très vigilant par rapport à la
viabilité des finances publiques.
C’est ainsi qu’en 2024, le déficit budgétaire sera de 3,9%, en baisse par
rapport à 2023 où il se situait à 5,5%.
Et dès 2025, nous serons à 3%, en respect des critères de convergence
de l’UEMOA. Il faut dire d’ailleurs que c’est une cible de déficit que nous
aurions atteinte depuis 2020, n’eut été la pandémie Covid-19.
Bien entendu, les comptes spéciaux du Trésor, dont le FNR, ne sont en
rien concernés par ce déficit car ils sont votés en équilibre de recettes et
de dépenses.
Le besoin de financement pour 2024 atteint 2 138,4 milliards de
francs CFA, en baisse de 8,8% par rapport à 2023. Il est composé :
– des 840,2 milliards de FCFA du déficit budgétaire (en valeur
absolue) ;
– des 1 248,2 milliards FCFA au titre de l’amortissement de la
dette publique et
– de 50 milliards FCFA relatifs aux Opérations Extérieures (OPEX)
de nos forces de défense et de sécurité, partout où les Nations
Unies et la CEDEAO sollicitent leur expertise.
Pour couvrir ce besoin de financement, le Sénégal va recourir à
l’endettement. Et son profil de risque de surendettement modéré le
prédispose des charges financières moins onéreuses.