Les Lundis de de Madiambal : « Tariq Ramadan, plus vous parlez, plus vous enfoncez Ousmane Sonko ! »

Les Lundis de de Madiambal : « Tariq Ramadan, plus vous parlez, plus vous enfoncez Ousmane Sonko ! »

Le lièvre sur le financement des activités politiques de Ousmane Sonko au Sénégal, par des milieux islamistes radicaux, est si gros que ses bailleurs s’agitent avec frénésie. Tariq Ramadan, figure de proue de l’organisation des «Frères musulmans», ne peut s’empêcher, une fois de plus, de monter au créneau pour voler au secours de son poulain. Dans une vidéo de 8 minutes 21 secondes, qui a largement circulé les dernières heures, il s’échine à répondre aux accusations, cherchant à noyer le poisson. Visiblement embarrassé ou gêné, il ne répond pas aux accusations, mais essaie plutôt de remettre en cause les supposés financements qataris des activités politiques de Ousmane Sonko, en voulant accréditer l’idée que ce serait une simple vue de l’esprit d’autant que la France que Ousmane Sonko combattrait a parfois avec le Qatar, des intérêts économiques, financiers et géostratégiques convergents. Tariq Ramadan, pour étayer son argumentaire, réfute aussi toute idée d’avoir pu convoyer de l’argent du Qatar au profit de Ousmane Sonko. Personne ne l’a encore accusé de cela à ce qu’on sache ! N’est-il pas alors curieux de se
défendre d’un crime dont on n’est pas accusé ? Le faire, procède simplement de l’enfumage.

De quoi je me mêle Monsieur Ramadan ?

Dans le livre Ousmane Sonko-Adji Sarr : l’histoire, publié en juillet 2023, j’indique déjà que «Ousmane Sonko est le cheval de Troie des islamistes radicaux qui ont appelé à voter pour lui aux Législatives de 2017 et à la Présidentielle de février 2019 comme aux deux rendez-vous électoraux de janvier et juillet 2022». J’ajoute aux pages 79 et 80 de ce livre que Ousmane Sonko «agrège autour de lui tous les groupuscules islamistes qui prônent l’usage de la Charia et le rétrécissement de toutes les libertés, au motif qu’elles seraient anti-islamiques et d’inspiration occidentale. On a vu Ousmane Sonko prendre ses références auprès du Guide-fondateur de la confrérie des «Frères musulmans», Ibn Taymiyya, par exemple, dans un tweet du 22 août 2022. Il est soutenu par cette organisation des «Frères musulmans» dont un éminent membre, le youtubeur islamiste, de nationalité égyptienne, Saber Mashhour, fait son éloge dans une vidéo en 2021. En juin 2023, le théologien, Tariq Ramadan, célèbre membre des «Frères
musulmans», multiplie les prises de position sur les réseaux sociaux pour apporter son soutien à Ousmane Sonko. Le 3 juin 2023, Tariq Ramadan qui, à ce qu’on sache, ne détient pas la nationalité sénégalaise, demande aux Forces de défense et de sécurité «de désobéir» aux ordres des autorités léga
les. Le 5 juin 2023, il fustige les guides religieux, mourides et tidianes, autorités respectées dans le pays, les enjoignant d’agir au risque de renier «les principes de l’islam» et de perdre leur «crédibilité». Tariq Ramadan finit sa diatribe en leur laissant le «choix entre leur honneur, et -à terme- leur perte». Le 14 juin 2023, il réitère sur le réseau social Twitter ses saillies, traitant les Sénégalais qui ne soutiennent pas Ousmane Sonko de «vendus» et arguant que leur «silence» est «complice» et qu’il «tue». Le grand intérêt subit de Tariq Ramadan pour le Sénégal, un pays qui a priori lui serait totalement étranger, intrigue à juste titre !

L’infiltration des «Frères musulmans» a donné naissance à l’ex-parti Pastef

En vérité, l’offensive des «Frères musulmans», avec comme l’agent avancé ou leur ambassadeur Tariq Ramadan, remonte à plus loin. En effet, du 23 au 26 août 2013, Tariq Ramadan a dirigé le Colloque international des musulmans francophones, une rencontre à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, sous l’égide du Centre international pour la législation et l’éthique (Cile), un organisme basé au Qatar et bénéficiant de larges subsides de cet émirat pétrolier et gazier. Tariq Ramadan en est, dites-vous bien le directeur ! Sur les vidéos disponibles sur YouTube, on reconnait des visages bien connus du parti de Ousmane Sonko. Allez savoir comment le parti Pastef est né un peu plus de trois mois après cette conférence internationale et porté sur les Fonts baptismaux à l’Ucad-même, dans le même amphithéâtre !

Les liens entre l’ex- parti Pastef et les «Frères musulmans» apparaissent au grand jour

De nombreux observateurs avertis ont noté la résurgence du symbolisme «Frères musulmans» dans la communication politique du parti de Ousmane Sonko. Dans le cadre de la préparation d’actions éventuelles en vue du verdict de la Cour Suprême, le 17 novembre 2023, portant sur le différend de sa radiation des listes électorales, une affiche a circulé, dans les milieux salafistes ou de sensibilité islamiste proche du parti Pastef dissous. Cette affiche porte plusieurs slogans en langue arabe qu’on a pu traduire : En haut en blanc : «Vendredi de la victoire et du Tamkîn. En bas, deux lignes : En blanc : Sonko «compétira» et vaincra par la volonté de Dieu. En rouge : Etape ultime de la résistance pour la libération de la Patrie.»

Une analyse du terme Tamkîn qui fait irruption de manière explicite, officielle et assumée (pour la première fois) dans la communication de l’ex-parti Pastef, pour saisir l’état d’esprit actuel et les éventuels risques sur l’ordre public et la situation sécuritaire nationale s’impose. Qu’est-ce que le Tamkîn ?
Etymologiquement, ce terme arabe désigne «l’autonomisation», l’étape à laquelle les militants islamistes appartenant aux «Frères Musulmans» sont suffisamment «capacités», ont atteint un degré satisfaisant d’infiltration de l’appareil d’Etat afin d’exécuter la doctrine.

Il faut expliquer que dans l’idéologie des «Frères Musulmans», il y a trois étapes dans le Tamkîn. C’est d’abord le Nashru Rijâl : (déploiement efficace des hommes au sein de la société et de l’appareil d’Etat). Les militants de la cause doivent être présents dans toutes les structures de l’Etat, et les compo-
santes sociales sont loyaux à la cause et jurent obéissance totale à ceux qui la portent. Ils doivent essaimer et se multiplier jusqu’à constituer une masse critique capable de déstabiliser l’appareil étatique. Ce travail se fait déjà au Sénégal à travers le contrôle des espaces et du milieu universitaires comme l’Association des élèves et étudiants musulmans du Sénégal (Aeems), dans le milieu professionnel avec le Réseau des islamistes du Sénégal (Ris) pour les fonctionnaires des Impôts, du Trésor, de la Douane, de la Justice et des agents dans le secteur de la microfinance.

Le deuxième pilier de cette stratégie est le Nashrul Afkâr : (Dissémination des idées et de l’idéologie par tous les moyens). Les militants de la cause s’associent à des forces diverses (religieuses, sociales ou politiques), s’attaquant à des principes tels que la laïcité, la liberté religieuse. Le mouvement sape, ainsi, la cohésion sociale en accusant certains acteurs d’être contre l’islam, de prôner des valeurs anti-islamiques, etc., en menant une féroce bataille d’opinion, s’accaparant des moyens de communication et des médias qui lui deviennent favorables. C’est dans cette étape qu’il y a la préparation et la mise en place des conditions de possibilité de l’insurrection en s’appuyant même sur des leviers non forcément islamiques (mouvements populaires, syndicats, associations, etc.) dans le cadre d’alliances objectives.

L’étape ultime de cette stratégie est le Tanfizul Afkâr : (Mise en application des idées ou exécution du Projet). Cela commence par ce qu’ils appellent «la violence reportée» ou «violence symbolique», «assassinat moral», par défaut d’un rapport de force permettant la «violence physique». C’est l’exercice d’une violence verbale, médiatique, à travers tous les moyens de sorte à apeurer les porteurs d’idées contraires à leur idéologie avec des «katiba électroniques» sur les réseaux sociaux comme en Egypte post-révolutionnaire jusqu’à la conquête du pouvoir par Mohamed Morsi. Cette étape concomitante de dissémination/mise en exécution des idées est aussi accompagnée de violences éparses sur des personnes, des installations étatiques, des intérêts économiques sans que cela soit revendiqué ou assumé par le parti ou l’organisation dont le développement est accompagné de l’émergence de cellules ou de factions occultes. Les «Frères Musulmans» appellent cela Tanzîmul Khâs (unité spéciale) ou Jihâz Sirrî (unité secrète). C’est ainsi que du reste, avec des opérations de désinformation, le doute est semé au sein de la population, de sorte que toute attribution de l’exercice de la violence à l’organisation incriminée est battue en brèche par une armée médiatique et des relayeurs devenus crédibles dans le cadre d’une stratégie très élaborée de victimisation et même de martyrologie.

Cette étape du Tanfîzul afkâr devra s’achever par la conquête du pouvoir politique et le dévoilement final du Projet. Ngagne Demba Touré, fugitif, avait vendu la mèche plus tôt que prévu ! Il est encore nécessaire de rappeler que le père de Saber Mashour était le responsable du Tanzimul khâs, l’aile armée et secrète des «Frères musulmans» avant d’en devenir le Murshid, guide suprême.

Plus d’une fois, nous avons attiré l’attention sur le danger que représente, pour la paix civile au Sénégal, le groupe de Ousmane Sonko. Il y a lieu cependant de relever qu’on pourrait encore trouver en son sein des membres simples islamistes, de bonne foi, qui sont dans des leviers essentiels de l’Etat comme les régies financières, la Justice et le secteur de la Santé. La stratégie de conquête du pouvoir s’accommode d’alliance conjoncturelle avec des groupes et mouvements politiques de gauche. Ces militants de gauche, qui rêveraient d’un chimérique «Grand soir», saisissent tout mouvement des masses comme une bouée de sauvetage, une opportunité ou une barque à laquelle s’accrocher. On lit la situation comme la pastèque, ce fruit dont le dessus est vert et l’intérieur rouge. Dans une chronique en date du 7 novembre 2022, nous regrettions : «Il est triste de voir des rêveurs d’un «Grand soir», qui au crépuscule de leur vie, s’assoient sur tout scrupule, toute dignité et toute morale politique pour utiliser le leader de Pastef comme le bélier qui leur défoncera les portes du pouvoir.» Assurément, leur désillusion risquerait d’être grande car Ousmane Sonko cherche à conquérir le pouvoir pour le compte d’autres forces que des formes politiques conventionnelles. Hamidou Anne a raison de dire qu’au Sénégal «nous avons la gauche la plus bête du monde !».

Amouradis

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *