CESE: Abdoulaye Daouda Diallo a-t-il brisé l’équilibre national ?
La nomination d’Abdoulaye Daouda Diallo à la tête du Conseil économique, social et environnement risque d’ouvrir la boîte de Pandore. Trois institutions fortes (présidence de la République, Primature et Présidence du Cese) sont contrôlées par des personnalités de la même ethnie. Cette option du chef de l’Etat n’est pas sans danger.
C’est acté depuis hier ! Abdoulaye Daouda Diallo, jusque-là ministre d’Etat, Directeur de cabinet du président de la République est nommé président du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Le suspense a été finalement de courte durée. Il a fallu juste traverser le week-end pour voir le chef de l’Etat trouver le remplaçant d’Idrissa Seck, démissionnaire, à la tête du Cese. Face à la presse, le samedi dernier, Idrissa Seck avait annoncé qu’il allait déposer sa démission dès le lundi . Dans la foulée, il indique que ses deux camarades de parti, ministres, le suivraient dans sa démission. Même s’il concède : « je leur ai laissé le choix et ils ont décidé de quitter leurs postes ».
Idy passe le témoin à Abdoulaye Daouda Diallo
Finalement, comme l’annonce un communiqué du secrétariat général de la présidence de la République, Idrissa Seck passe le témoin à Abdoulaye Daouda Diallo, Yankhoba Diatara des Sports et Aly Saleh Diop de l’Elevage et des Productions animales se retirent au profit du Premier ministre Amadou Bâ qui cumule ces deux départements. Le brouillard qui a envahi l’espace politique ces derniers jours commence à se dissiper. Il reste, cependant, que ces décrets du chef de l’Etat risquent d’installer le malaise et d’ouvrir la boîte de Pandore. « Macky Sall, président de la République, Amadou Bâ, Premier ministre et Abdoulaye Daouda Diallo, président du Cese nous replongent dans les considérations ethniques. L’équilibre national est rompu ! », analyse cet opposant qui a requis l’anonymat. Notre interlocuteur s’en désole et convoque la politique tant vantée d’« équité territoriale».
Equité dans le choix des postes souhaitée
A en croire cet autre militant de l’opposition, « l’équité territoriale ne se construit pas seulement par la bonne et juste distribution des infrastructures, les groupes socio-ethniques sont aussi à intégrer, autant que possible, dans la répartition des positions sociales ». Et puis ce n’est guère une honte que de tenir compte de considérations ayant trait à l’ethnie et à la région. Au Liban, la répartition confessionnelle, source de paix sociale, est consacrée par la loi.
En tout cas, depuis que Macky Sall est arrivé aux affaires, jamais la question de l’ethnie n’a été aussi convoquée notamment dans les réseaux sociaux. Dans nombre de nominations du chef de l’Etat, certains sont prompts à traquer la suspecte promotion de parents estimant que c’est le « neddo ko bandum », (l’homme s’accomplit par le service rendu à son parent). Trop souvent vitupéré, à tort ou à raison, sur cette question, Macky Sall avait, sans doute, suffisamment le temps de se mettre à l’abri d’une telle critique en promouvant Abdoulaye Daouda Diallo. Senghor, Diouf ou Wade auraient-ils posé le même acte ? Tout porte à répondre par la négative.
Travailler à l’équilibre ethnique et régional
Depuis l’indépendance, il est quasiment inscrit dans les pratiques administratives, sans être formellement écrit, de travailler à l’équilibre ethnique et régional. Ainsi, dans un savant dosage, les gouvernants parvenaient toujours à assurer cet équilibre qui freine les frustrations porteuses de danger. Avec le trio Macky Sall, Amadou Bâ et Abdoulaye Daouda Diallo rien ne garantit que l’équilibre soigneusement recherché dans la distribution des positions a été respecté. « Et si on y ajoute que le président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop est originaire de Dagana, le déséquilibre est alors parfait », commente ce cacique de l’opposition. Seulement voilà, à juste dix mois de la présidentielle de 2024, Macky Sall ne pose aucun acte gratuit. Refusant toujours de se prononcer sur son éventuelle candidature, le chef de l’Etat peut avoir avancé un pion dans son dispositif de combat pour 2024. Car, qu’on l’avoue ou pas, il est probable que Macky Sall jette l’éponge au profit d’un responsable politique de son camp. Et à voir la position où Abdoulaye Daouda Diallo a été catapulté en dépit des critiques possibles, il y a de quoi s’arrêter sur le cas du tout nouveau président de la Cese.
Beaucoup estiment que le chef de l’Etat a le regard braqué, pour 2024, sur Abdoulaye Daouda Diallo, désormais ex-ministre d’Etat, directeur de cabinet. « C’est toujours sa carte », soupire cet observateur ayant requis l’anonymat. « D’abord ADD a la totale confiance du chef de l’Etat, ensuite, il est bien en mesure de sanctuariser l’électorat du Fouta, célèbre pour ses votes soviétiques », précise le même interlocuteur. Un électorat sans lequel, Benno aurait mordu la poussière face à l’opposition. Fidèle parmi les fidèles de Macky Sall, Abdoulaye Daouda Diallo a récolté succès après succès au ministère de l’Economie et des Finances comme en témoigne l’extrême sortie de crise lors de la difficile grève des enseignants et la bonne tenue des finances du pays qu’on lui prête.
Qui pour pérenniser les votes « soviétiques » au Fouta ? Qui pour assurer à Benno ces avances aussi confortables comme lors des dernières Législatives ? En dehors d’Abdoulaye Daouda Diallo, ministre des Finances et du Budget, difficile de trouver le bon profil. C’est en quoi son retour à la lumière crue ravive la spéculation. Même si le chef de l’Etat prend le risque d’essuyer la rengaine du « neddo ko bandum ».
Rachid BARRO