Le Sénégal dans l’attente alors que l’Assemblée débat du report de la présidentielle
Le Sénégal retient son souffle : deux jours après l’annonce du président Macky Sall de reporter la présidentielle sans nouvelle date, l’Assemblée nationale doit en effet examiner ce 5 février 2024 une proposition de loi sur le report du scrutin.
Une plénière qui a déjà été brièvement suspendue. Une suspension de quelques minutes parce que les députés de l’opposition ont demandé à introduire une question préliminaire, ce qui leur a été refusé.
Une vingtaine de parlementaires s’est alors immédiatement levée brandissant le règlement intérieur de l’Assemblée nationale et criant à l’injustice, signe de l’ambiance électrique qui y règne.
Les députés de l’opposition dénoncent un coup d’État institutionnel
L’opposition est vent debout contre cette proposition de loi qui prolonge de facto le mandat de Macky Sall, président du pays depuis 2012.
Le texte, qui doit être débattu ce lundi, contient deux articles cruciaux : une dérogation à la Constitution qui repousserait l’élection de 6 mois, au 25 août prochain ; et un deuxième article qui demande que Macky Sall poursuive ses fonctions de président jusqu’à l’installation de son successeur.
Et c’est là le nœud du problème : la date du 2 avril comme date butoir de fin de mandat du président ne figure pas dans cette proposition de loi, ce qui ouvre la possibilité de reporter l’élection à bien plus que 6 mois et au président Macky Sall de rester au pouvoir bien au-delà de son mandat.
Pour les députés de l’opposition, c’est hors de question. Ils dénoncent un coup d’État institutionnel.
Les débats risquent donc d’être particulièrement vifs au sein de l’hémicycle, même si le texte a toutes les chances d’être adopté. Car, avec le soutien du Parti démocratique sénégalais (PDS) de Karim Wade et la coalition au pouvoir, ils ont le quorum suffisant.
Internet mobile coupé
En parallèle, dans la rue aussi, la tension est montée d’un cran. L’Internet mobile est coupé depuis ce matin. Le ministère de la Communication se justifie en parlant d’appels à la haine qui circulent sur les réseaux et de risques de troubles à l’ordre public.
Autour du Parlement, des dizaines de gendarmes quadrillent la zone pour empêcher tout rassemblement. Et même l’accès à l’Assemblée nationale est plus compliqué que d’habitude, avec des forces de l’ordre équipées de matraques déployées jusque dans l’enceinte du Parlement.
Enfin, en ville, sur l’axe qui passe par le quartier commerçant de la médina, à chaque rond-point, on pouvait voir des véhicules de police blindés équipé de lances à eau.
Autre exemple, dans le quartier Les Parcelles Assainies où des affrontements entre jeunes et la police ont éclaté la veille. Des écoles ont été fermées ce lundi matin par crainte de nouveaux troubles
Report de la Présidentielle sénégalaise: quelles réactions des autorités religieuses à cette décision politique?
C’est dans ce contexte politique que le Président Macky Sall a envoyé ce dimanche 4 février une délégation ministérielle à Touba, la capitale de la très puissante communauté Mouride. Le khalife général, qui dirige cette communauté, n’a pas, pour le moment, commenté la situation politique.
Ce sont deux fidèles du président Macky Sall, Sidiki Kaba et Oumar Youm, respectivement ministre de l’Intérieur et des Forces armées, qui ont été dépêchés à Touba pour rencontrer Serigne Mountakha.
Les autorités ont indiqué que le but de cette visite était de détailler la décision prise par le chef de l’État qui a toujours accordé du crédit à la parole du khalife général. La puissante confrérie, qui a aussi des liens anciens avec l’ex-chef de l’État Abdoulaye Wade (2000-2012), n’a pas réagi suite à cette rencontre.
De son coté, dans un long communiqué, la Ligue des Imans et des prédicateurs du Sénégal (Lips) a appelé le président Macky Sall à renoncer « à cette initiative catastrophique » de reporter l’élection présidentielle, rapporte Guillaume Thibault. La Lips évoque un « coup d’État institutionnel en gestation » et conclut : « Cette déclaration malheureuse du chef de l’État a bouleversé le processus électoral et rompu avec la tradition démocratique que connaissait notre pays. » Enfin, l’archevêque de Dakar, Monseigneur Benjamin Ndiaye, qui s’est dit « dérouté par la situation » a appelé au respect des institutions.