«Le retour de la dignité» pour les tirailleurs sénégalais de Bondy en région parisienne, attendus à Kaolack
En réalité, de leur passé de combattants pour la France, ils n’ont rien oublié. Yoro Diao a passé trois ans dans l’enfer de la guerre d’Indochine, dans des « pluies torrentielles », avec les « animaux charognards qui mangeaient la chair humaine ». « C’était terrible… j’étais infirmier major, chef des brancardiers. [Je transportais] les blessés sous le feu de l’ennemi. C’est la baraka, j’ai pas été blessé, mais j’ai perdu beaucoup de camarades », souffle-t-il. Il sera ensuite mobilisé pour la guerre d’Algérie, pendant deux longues années.
Des honneurs de dernière minute
La semaine dernière, les autorités françaises ont voulu marquer le coup et essayer de rattraper le temps perdu avec l’inauguration de la place des tirailleurs dans le 18e arrondissement parisien en présence de la maire de Paris. Dans la même journée, le président Macron les a remerciés au nom de la nation pour leur engagement sous le drapeau tricolore. Une réception a été organisée par le maire de Bondy, qui fera d’eux des citoyens d’honneur de la ville, où certains ont vécu plus de 20 ans.
Il était temps. Ces mesures gouvernementales qui leur permettent enfin de rentrer chez eux sans revenir en France, arrivent en effet bien tard. N’ayant pas les moyens de faire venir sa famille à Bondy, Yoro Diao a vécu isolé des siens et n’a pu accompagner son épouse quand elle est décédée en 2017. En 2015, il se rend au Sénégal deux fois (au lieu d’une fois réglementaire) pour s’occuper d’elle. Il est depuis 2016 sanctionnés par l’administration française qui lui prélève 66 euros par mois, et lui réclame encore plus de 13 000 euros. Un chantage financier que ne comprend pas ce vieil homme qui estime tout de même que « mieux vaut tard que jamais ».
Le retour de la dignité
À leurs côtés depuis 10 ans dans la bataille contre l’administration française, Aïssata Seck, petite-fille d’un tirailleur, et présidente de l’Association pour la mémoire et l’histoire des tirailleurs sénégalais, voit ses efforts récompensés. « Il y a eu négligence » de l’État à leur égard, martèle-t-elle, rappelant que la France n’a levé qu’en 2006 les mesures de gel qui bloquaient les pensions des anciens combattants coloniaux, contrairement à celles des anciens combattants français qui étaient revalorisées.
En 2016, Aïssata Seck lance une pétition et l’ex-président François Hollande accorde aux tirailleurs la nationalité française en 2017. Puis le gouvernement d’Emmanuel Macron annonce début 2023 cette mesure dérogatoire pour leur allocation. « C’est le retour de leur dignité », lance-t-elle.