Le Parlement européen adopte le Pacte asile et migration au terme de négociations musclées, jusqu’au gong final
Durcissement des contrôles migratoires à l’arrivée en Europe, collaboration poussée entre pays de l’Union, voilà les deux axes majeurs du Pacte asile et migration de l’UE. Il a été adopté hier à une courte majorité par les députés européens qui ont finalement approuvé cette réforme d’ampleur alors que jusqu’au dernier moment les tensions politiques étaient restées vives. La politique migratoire européenne n’avait pas changé depuis plus de vingt ans et les difficultés posées par son application mettaient régulièrement au jour des tiraillements entre les 27 pays de l’UE. Désormais tout va être remis à plat
Car c’est une réforme véritablement profonde de l’asile et de la migration en Europe qu’amène ce nouveau pacte, après trois ans et demi de négociations acharnées. Premier volet notable, la disparition de la règle de Dublin qui faisait porter l’essentiel de l’accueil des migrants aux pays de première entrée dans l’Union. Désormais, en cas d’afflux massif, les autres pays européens sont tenus d’apporter leur soutien, par exemple en accueillant des demandeurs d’asile. Et grande nouveauté, en cas de pression migratoire forte, un demandeur d’asile pourra déposer un dossier dans un autre pays que celui de première entrée.
La contrepartie de cette solidarité européenne, c’est le durcissement notable des conditions d’entrée pour les migrants. À leur arrivée sur le sol européen, ceux-ci seront soumis à de nouvelles règles de filtrage, avec données biométriques et comparaison des empreintes digitales dans un fichier commun. Le but est le renvoi immédiat de ceux qui s’étaient déjà vus refuser l’entrée, mais cela s’accompagne aussi d’un renvoi quasi automatique dans le pays d’origine pour les migrants qui ont le moins de chances de se voir accorder l’asile. Par exemple s’ils proviennent de pays considérés comme sûrs. Et les demandes d’asile devront désormais être traitées de manière rapide et surtout selon une procédure commune.
Les tensions autour du Pacte asile et migration ont persisté jusqu’à la dernière minute et même au-delà puisque au moment des premiers votes, des militants d’ONG ont perturbé la session en scandant « Votez non, ce pacte tue ».
Preuve encore que ce pacte est le résultat d’un compromis « à l’européenne » qui ne satisfait véritablement personne, l’absence d’applaudissements à la fin du dernier vote alors que d’habitude les députés saluent toujours l’aboutissement des textes majeurs.
On a vu l’extrême-droite et certains conservateurs se féliciter du retrait de l’idée d’une répartition obligatoire des migrants ; à gauche, on a œuvré pour que tous les pays soient solidaires en matière d’accueil, mais en réalité le résultat est peut-être moins le résultat d’un compromis politique que d’un compromis entre les 27 pays de l’UE.
La Pologne fait de la résistance
Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, est conscient qu’il va contrarier ses voisins européens, mais il a été clair : la Pologne n’acceptera pas le nouveau mécanisme de relocalisation des réfugiés, souligne notre correspondant à Varsovie, Martin Chabal.
Le pacte migratoire veut que les pays membres de l’UE se répartissent les demandeurs d’asile sinon ils seront soumis à une amende. Pour la Pologne, cette règle n’est pas adaptée au contexte actuel. Depuis le début de l’invasion russe, près d’un million de réfugiés ukrainiens sont arrivés en Pologne. Impossible, selon le gouvernement, d’accueillir de nouveaux réfugiés… Pour le gouvernement polonais, la solution pour l’Europe est de sécuriser les frontières. Et pour ça, Varsovie est prête à fournir ce qu’elle peut plutôt que d’accepter ce programme de relocalisation.
Mais Donald Tusk reste confiant. Il espère même pouvoir faire changer les règles après les élections européennes dans deux mois. Notamment parce qu’ils jugent que le pacte a été adopté juste avant le scrutin pour marquer les esprits dans les pays qui y sont favorables… Mais que les choses pourront changer, et la Pologne sera en tête de liste pour s’y opposer.
D’ailleurs les membres des trois familles politiques favorables au pacte ne l’ont pas tous voté. Conservateurs, socialistes et centristes représentent 420 sièges, plus que la majorité absolue de 353 sièges. Or certains textes du pacte sont passés avec 301 voix. C’est donc finalement le parti des abstentions qui aura emporté l’adoption du Pacte asile et migration.