Passé/Présent – Annonce d’audits tous azimuts : Diomaye sur les traces de Wade

Passé/Présent – Annonce d’audits tous azimuts : Diomaye sur les traces de Wade

Bassirou Diomaye Faye, qui a décidé de fouiller tout l’Etat avec des audits, tente de marquer son règne par des actes forts. Ira-t-il jusqu’au bout de ses annonces ? En vérité, il n’y a rien de nouveau sous le soleil, car Me Wade avait débuté son régime, en 2000, comme lui.

Après quelques jours d’étude des dossiers dans ses bureaux, le Président Bassirou Diomaye Faye a décidé de mettre en branle la machine de contrôle judiciaire. Il y a la publication des rapports de l’Office national de lutte contre la corruption (Ofnac), de la Cour des comptes dont certains sont déjà disponibles. Et pour les rapports de l’Inspection générale d’Etat (Ige), il faut une «déclassification» présidentielle.
Lors de son deuxième Conseil des ministres, le Président Faye a campé le décor de sa gestion des affaires publiques. Cette sortie semble annoncer une forme de rupture de gouvernance. En vérité, il y a du «passé-présent» dans cette généralisation annoncée des audits dans tous les secteurs. Arrivé au pouvoir en 2000 de manière aussi triomphale que Diomaye, Me Abdoulaye Wade était le jardinier des rêves de millions de Sénégalais. Aussi charismatique que brillant, ambitieux et influent, l’ex-Président pouvait déplacer les montagnes avec l’aide des Sénégalais qui ont cru à son projet de transformation du Sénégal : le Sopi. L’hymne était à la fois simple et plein de bon sens : «Il faut travailler, beaucoup travailler, encore travailler et toujours travailler.» Cette phrase, sortie du discours de son investiture au Stade Léopold Senghor rempli jusqu’aux cintres, annonçait un Sénégal travailleur et intègre. Me Wade avait simplement «amnistié» son prédécesseur, Abdou Diouf, qui l’avait représenté au sommet de l’Union africaine au Caire. Pour les autres caciques du régime socialiste défait, il fallait rester au pays. Les audits sont lancés par Me Wade pour éclaircir la gestion des affaires publiques des barons socialistes.
Au bout de quelques mois, les résultats sont sortis avec des mots-clés : emplois fictifs, prévarication, concussion, détournements de deniers publics. La traque est lancée via la machine judiciaire avec l’arrestation de plusieurs anciens directeurs généraux de grandes boîtes publiques comme le Port autonome de Dakar, la Lonase, la Société nationale des chemins de fer, la Sicap ou le Centre des œuvres universitaires de Dakar. Au bout de quelques mois, l’affaire fait pschitt. En homme politique rusé, il change complètement de fusil d’épaule et de vision : ces dossiers vont servir de moyens de pression pour recruter des pontes socialistes afin de permettre de massifier son parti. C’est l’heure de la transhumance politique qui a décimé complètement le Parti socialiste (Ps), devenu squelettique après 40 ans de pouvoir. Préoccupé par ses élections futures, il range dans les tiroirs présidentiels tous les rapports d’audit. Il remporte les Législatives de 2001 avec une majorité confortable, puis il est réélu en 2007 dès le premier tour. Mais il ne réussira pas à gagner le pari d’une troisième candidature. Son régime, miné par des scandales de gestion et des faits de corruption, sera balayé en 2012 par Macky Sall.

Un peu de Macky
Comme Diomaye Faye, le Président Sall avait aussi entrepris de nettoyer les écuries d’Augias au cœur de l’Etat. Il y a aussi les audits des services présidentiels, suivis de révélations aussi inédites que grotesques : vols de tapis, de tableaux, de moquettes, de véhicules. Policiers et gendarmes sont requis pour retrouver ces objets dont les révélations avaient ému les Sénégalais, qui mesuraient à travers ces informations, la profondeur des dégâts qui auraient été provoqués par le régime de Wade. Certains ont même parlé de carnage….
Il sera suivi de la traque des biens mal acquis avec la réactivation de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Fils de l’ancien Président, Karim Wade sera le visage de cette chasse aux détourneurs de biens publics. Avec Bibo Bourgi et d’autres personnalités du monde des finances, ils seront jugés et condamnés par la Crei. Mais, une liste d’une dizaine d’ex-ministres et de hauts fonctionnaires, entendus par la Section de recherches de Colobane, sera rangée aux oubliettes. Après cet épisode, Macky Sall n’était plus le même : il était devenu un homme politique préoccupé par sa réélection en 2019 obtenue aussi au premier tour. Que va faire le Président Diomaye ? Le volontarisme, la détermination et l’ambition suffiront-ils pour réaliser la «transformation systémique» promise aux Sénégalais ? Wait and see !

Amadeus

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