Tunisie: la forte cyberviolence dissuade les femmes de se lancer dans la politique et l’activisme

Tunisie: la forte cyberviolence dissuade les femmes de se lancer dans la politique et l’activisme

En Tunisie, le numérique est un outil à double tranchant pour la cause des femmes. Après la révolution de 2011, les réseaux sociaux ont aidé à libérer la parole avec le mouvement EnaZeda, sorte de #MeToo tunisien, ou encore l’appel à se mobiliser pour les droits des femmes, qui passent souvent par les plateformes numériques. Mais le web est aussi devenu le lieu de reproduction des violences basées sur le genre, notamment pour les activistes ou les femmes se lançant dans la politique. Au point où une coalition d’associations veut sensibiliser contre ces actes.

Activiste depuis la révolution de 2011, militante féministe, Asrar Ben Jouira a été prise à partie par des trolls sur Internet de nombreuses fois. Cela à cause de ses positions politiques, jusqu’à devenir la cible constante du cyberharcèlement.

Cette violence l’a forcée à changer sa façon d’utiliser les réseaux sociaux : « Par exemple, quand je vais quelque part, je ne mets pas les photos sur les réseaux sociaux. Alors qu’avant, je mettais des « stories » même si c’était une fête ou un évènement. J’ai tout arrêté par peur d’être attaquée. J’évite aussi certains statuts et je me relis dix fois avant de publier. C’est un peu comme si je me censure, finalement. »

Hayet Ahlemi, une ex-vice-présidente de conseil municipal à Kasserine, au centre-ouest du pays, a été victime d’attaques sur les réseaux sociaux en 2021 après avoir voulu dénoncer une affaire de corruption. « C’est allé très loin après que j’ai porté plainte dans cette affaire qui mettait en cause la gestion des biens publics au sein de la municipalité : un conseiller municipal m’a giflée devant tout le monde, et ensuite, le harcèlement a commencé sur le Net, raconte-t-elle. On a attaqué mon apparence physique, on m’a traitée de non-croyante et de mauvaise musulmane… »

Les attaques ont été telles qu’elle a dû changer son fils d’école. Depuis, elle a porté plainte pour violence sur la base de la loi contre les violences faites femmes, votée en 2017. Jusqu’à aujourd’hui, trois ans plus tard, elle n’a pas eu de suite.

Une coalition d’associations pour sensibiliser à la cyberviolence de genre
Pour lutter au mieux contre la cyberviolence envers les femmes, une coalition de 25 associations tunisiennes s’est regroupée dans une coalition intitulée le Front pour l’égalité et les droits des femmes. Cette organisation alancé un projet pour mieux sensibiliser à la spécificité de cette forme de violence avec l’appui de l’Institut danois pour les droits humains. L’idée est de renforcer la sécurité numérique, l’accompagnement psychologique des victimes et d’élaborer un guide pratique dédié aux violences numériques.

Najet Araari, sociologue spécialisée sur les questions de genre et membre de l’Institut danois pour les droits humains, nous parle de l’impact de cette cyberviolence. Pour elle, la cyberviolence est « comme dans l’espace réel, la violence faite aux femmes ».

Comme dans l’espace réel, la violence faite aux femmes sur le Web est une violence basée sur le genre. C’est pareil dans l’espace virtuel, cela touche toutes les catégories des femmes, mais pourquoi on parle des activistes ou des femmes politiques, etc ? C’est parce que ce sont des femmes reconnues socialement. Donc quand elles sont touchées par cette violence, la violence dans l’espace virtuelle se multiplie. Et c’est cela, l’effet et l’impact de cette violence, qui a des effets énormes sur la vie de ces femmes. Si elles sont accompagnées psychologiquement, si elles connaissent leurs droits, il y a de la résilience. Mais si elles ne connaissent pas, elles commencent par se retirer. L’outil numérique devient un outil d’exclusion des femmes, d’isolation des femmes.

rfi.fr

Petit Ba

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