Séance de Xoy à Fimela : Dans les secrets des Saltigués de Youngar…
Dans ce contré de la région de Fatick, la coutume veut que l’on tienne cet évènement annuel à la veille de l’hivernage. Une rencontre culturelle où les Saltigués s’expriment dans une séance de « Xoy » et palabrent sur l’importance de la circoncision. Au centre de youngar dans la commune de Fimela, ce jeudi 9 mai, ces Saltigués, dans une séance de divination, ont prédit les risques que le Gouvernement de Bassirou Diomaye Faye encoure et ce qui peut advenir en plein hivernage. Aussi, ils ont proposé des solutions pour conjurer tout mal qui menace le pays et pour des saisons des pluies abondantes. Reportage…
Trois jours durant, le plus grand centre de Youngar a vibré au rythme endiablé de la pure culture sérère. Il s’agit, ici, de revisiter la tradition de cette ethnie qui constitue l’une des plus anciennes populations de la Sénégambie, qui transcende toutes les formes d’éducation sociale : La circoncision, les palabres avec les sages du village pour éveiller les consciences sur le rôle de chaque membre de la famille, et les séances de divination communément appelées « Xoy », etc.
Dans cet espace d’exposition et d’expression culturelle, en ce moment de communion, tous les Saltigués de la commune de Fimela ont déployé toutes leurs prédispositions divines pour prédire le déroulement du prochain hivernage. Nombreux d’entre eux dont Mame Ndour réputé dans son domaine de prédilection, annoncent une saison des pluies abondantes porteuse d’espoir quant à une bonne récolte. Même si on craint un moment de sécheresse en pleine hivernage pouvant impacter la production du mil. « Cette année, il faut attendre à une bonne récolte arachidière », annonce Mbaye Senghor qui, dans deux ans peut faire prévaloir toutes ses facultés de divination. Pour l’homme politique par ailleurs modérateurs de la cérémonie, « il n’est pas donné à n’importe qui d’être Saltigués. Tous ces jeunes qui se disent Saltigués courent le grand risque de ne pas faire carrière dans ce domaine. Moi par exemple, il faut attendre deux voire trois ans pour me voir participer en bon Saltigué à ces séances de divination.»
Sénégal, l’Etat vacille ?
Elles consistent à prédire et prévenir sur les maux qui peuvent gangréner la saison des pluies ou les catastrophes naturelles qui peuvent s’abattre sur un pays. Ainsi, ils constatent lors cette séance de divination tenue ce jeudi 9 mai, que le « Gouvernement de Bassirou Diomaye Faye n’est pas encore stable. Alors le Sénégal aussi vacille, encore. Et le président de la République a besoin de soutien. Mystiquement. Sinon, attendons à des lendemains sombres », selon le président des Saltigués du village qui déclare : « Cette mouvance d’hommes qui se déploie de Dakar vers Rufisque voire Mbour, m’intrigue. Je vois des gens quittant à la hâte, la capitale en quête de refuge. Le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye n’est pas encore stable. Je jure que si on ne sort pas des offrandes, on risque de vivre le pire au Sénégal. » Famara Basse conseille alors le président de la République et son premier ministre « de tuer deux bœufs, noirs et blancs, pour conjurer le mal. Afin que le pays soit stable et que la paix règne. »
Seikh un autre prédicateur de Djilass, à la voix sûre, très bouillant dans la cour, est plus ferme que Basse, le président de l’Association pour le Développement de l’Arrondissement de Fimela ADAF-YUNGAR. Seik confirme : « Je ne connais pas Bassirou Diomaye ni de près ni de loin. Mais s’il ne fait pas ces offrandes personne ne peut lui éviter des difficultés dans la gestion du pays ».
Youngar, pendant 25 ans, tient ces rencontres culturelles basées sur les profondes traditions (Rencontres de Saltigui, Le Ndout (LEUL) ou Initiation des jeunes garçons mais aussi des femmes par les maitresses initiatiques et des Séances de divinations pour prévenir les risques et les catastrophes possibles pour l’hivernage mais aussi et surtout pour une paix généralisée dans le pays et la sous-région).
Cette fois, les Saltiqués proposent des solutions durables pour la quiétude jusque dans les coins les plus reculés du pays ; la recherche de solutions pour notre Jeunesse formatée par les autres cultures et civilisations importées provoquant des cassures même au niveau des familles, lieux de travail… la reconnaissance a disparu, la dignité oubliée, la vérité a fait place au mensonge éhonté) Famara Basse le chef du centre réitère le devoir de revigorer tout cela afin de requinquer les jeunes par ces vertues tant vantées dans la cultures sérères. « Si la femme ne respecte plus son mari, n’encadre plus les enfants, il y a problème. Si les jeunes n’écoutent plus ou ne suivent plus les consignes de leurs parents, il y a problème. Si aussi, le père ne remplit plus son devoir de chef de famille en prenant bien en charge ses femmes et ses enfants, il y a également problème. »
Autant de raisons pour lesquelles, le centre demande à l’Etat du Sénégal d’intégrer cet évènement dans l’agenda culturel du Gouvernement. Cela permet la tenue de l’évènement chaque année.
L’hivernage risque d’être précoce avec beaucoup de difficultés non encore prises en compte par le nouveau gouvernement mais aussi par les populations elles-mêmes à en croire les maîtres de la séance. Là-dessus, Mame Ndour que ses proches appellent Sam Ndour, prédit « une sécheresse inévitable en pleine saison des pluies. On ne peut pas éviter ce moment difficile pendant l’hivernage. »
Des évènements culturels du genres sont aux Sénégal, des vecteurs de cohésion sociales. Ils peuvent servir à raffermir les liens parentaux, ethniques et religieux. D’autant qu’ils rassemblent les parents de mêmes familles, de différentes ethnies de la même localité et de voisins de religions différentes. C’est ce sens qui réjouit le représentant du Gouvernement Bacary Sarr Secrétaire d’Etat attaché à la culture, aux industries créatives et au patrimoine historique : « on a vu construire tout un réseau qui allie les activités de développement des femmes, les activités culturelles mais également tous les savoirs locaux. Que ce soit les savoirs liés aux pratiques endogènes, que ce soit aux pratiques liées aux patrimoines matériels et immatériels « le Xoy, le NDoutt, les circoncissions » tout est dans ce rituel. Ou alors les activités liées à la sauvegarde de l’environnement. Alors ces connexions permettent de mieux comprendre un peu les enjeux du développement durable, les enjeux également liés à la souveraineté. Tout ce qui participe, un tout petit peu, à construire une mémoire endogène dans la pratique de tous les jours. Cette mémoire endogène doit puiser dans les ressources forestières, les ressources naturelles, elle va aussi puiser dans les savoirs locaux. Cette mémoire endogène va puiser dans la pratique des rituels, la danse, le théâtre mais également la représentation qui participe à construire une espèce de régulation sociale », martèle-t-il. Alors
Des rencontres comme « ces journées culturelles connectent la société, connectent la population à son environnement mais également à tout cela de plus profond. C’est-à-dire ces pratiques rituelles sont imaginaires. Ça été un plaisir de revenir et de voir toute la dynamique qui s’enclenche et qui permet à toute la population de se fédérer autour d’un idéal commun, le développement local, les savoirs endogènes et la construction des identités nationales à partir du patrimoine matériel et immatériel. »
Bacary Sarr de rappeler par-là que « le programme que le président Bassirou Diomaye Faye et son premier ministre Ousmane Sonko conduisent participe également à renforcer justement tout cela : le patrimoine, les identités, les savoirs endogènes, les épistémologies endogènes. Tous ces savoirs qui permettent à un peuple de se développer et de croire à la construction de ses identités. Nous les retrouvons tous dans ce terroir et nous pensons que le programme que le président Diomaye déroule s’inscrit justement dans cette dynamique. Très profondément le Sénégal retrouve son identité, s’inscrive et renforce son identité nationale. Mais il faut partir par la base, partir par le terroir et c’est dans les territoires de la culture que les choses doivent partir pour que ça tienne. Pour que l’éducation le sport, l’environnement, les activités de développement toute ça puissent tenir en une seule unité, en un seul fond. »
L’exploitation pétrolière, impact négatif sur l’environnement, un autre souci…
L’Association pour le Développement de l’Arrondissement de Fimela ADAF-YUNGAR a également exploré le domaine de l’exploitation pétrolière et gazière dans sa zone maritime. Laquelle constitue en même temps le principal domaine d’activités des femmes. Puisque ces dernières font dans la pêche, et la vente des fruits de mer. Leurs craintes reposent sur l’impact négatif qu’une mauvaise exploitation de ces ressources naturelles peut engendrer. Si le Gouvernement ne prend les précautions nécessaires selon Madame Diène, il peut y a voir une marrée noire. Le cas échéant, les poissons vont disparaître. Conséquence, plus d’activités rentables dans ce secteur. Elles exposent ainsi leurs craintes, plaintes et complaintes devant l’hôte du jour, le Secrétaire d’Etat du Gouvernement à la Culture, invité d’honneur pour à cette occasion, sur les risques possibles de l’exploitation pétrolière et gazeuse de Sangomar sans aucune protection même préventive des populations concernées. Mais Bacary Sarr prend conscience de leur souci : « Nous sommes dans une zone très riche, la commune de Fimela fait partie des poumons de la région de Fatick à tous les niveaux. Au niveau environnemental et touristique, des sites, disons, d’avenir. Les zones abritent justement l’espace ou va se faire l’exploitation du pétrole, il est donc mis au premier plan. Tout ce qui est en train de passer en termes d’activité de développement doit être corrélé au risques et menaces environnementaux. Nous savons très bien que l’exploitation du pétrole peut apporter beaucoup au Sénégal, mais nous devons veiller également à ce que les populations, l’environnement puissent construire un espace des connexions harmonieuse avec l’exploitation du pétrole. Les autorités sont conscientes, le président Bassirou Diomaye est conscient justement de ce qui est en train de se passer dans la zone. Il est aussi conscient de l’avenir du Sénégal et de la menace que peut être l’exploitation du pétrole dans cette zone. »
Sarr, sous son beau costume africain, sourit la joie d’être parmi les siens en bons sérères et informe sur ce, que « l’Etat du Sénégal prendra toutes les mesures qu’il faut pour permettre de corréler de manière harmonieuse, de manière réfléchie corréler l’exploitation du pétrole et la sauvegarde de l’environnement pour le développement durable. Ses deux leviers permettront, à la fois, à la commune de pouvoir poursuivre son développement, aux populations de pouvoir garder son environnement, de pouvoir prendre conscience également de l’importance de l’environnement, de l’éco tourisme mais également de l’avenir dans l’installation et l’exploitation du pétrole. C’est la fédération, la réflexion, la connexion et étude harmonieuse de ses facteurs qui permettront que le Sénégal puisse tirer le meilleur dans ces nouvelles dynamiques d’exploitation du pétrole et de sauvegarder l’environnement et le développement durable. »
Surtout le domaine maritime qui préoccupe le plus les femmes vivant en milieu aquatique et tirent leurs principales activités de développement des ressources de la mer. Le Secrétaire d’Etat au patrimoine historique revient : « la zone dans laquelle nous sommes c’est une zone assez particulière qui rassemble le continent et la mer. Le delta du Saloum a été classé patrimoine mondiale de l’UNESCO, la réserve du Saloum constitue un précieux instrument pour développer le Saloum. Les femmes qui vivent dans le milieu aquatique, qui tirent leurs activités de développement des ressources de la mer. Nous savons également que ces ressources qui participent à la protection de la nature et de l’environnement. La manière dont le développement doit se construire doit être prise en compte aux menaces du pétrole. Les autorités, les institutions habilitées à se prononcer, à faire l’étude d’impact environnemental vont faire le nécessaire. Le ministère de l’environnement est très conscient des menaces. Le ministère du tourisme et du patrimoine, de la jeunesse des sports et du patrimoine de la culture sont en train de faire les études qu’il faut et les populations aussi sont engagées dans la protection de l’environnement et de toutes ces menaces qui pèsent sur la zone. »
De ce discours mémorable de ce vendredi 10 mai, Bacary déclare ouverte la cérémonie et les manifestations continuent jusqu’au Samedi…
Amadou Seck