Secteurs de l’agriculture et de la pêche : en quête de «ruptures» dynamiques
La problématique de la sécurité alimentaire a été toujours au cœur des politiques agricoles des différents régimes qui se sont succédé au pouvoir. De Senghor à Macky Sall. Durant son magistère par exemple, le Président sortant de la République du Sénégal s’est beaucoup investi pour l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire. En 2014, il avait ainsi lancé le Programme de relance et d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise (PRACAS) doté de 425 milliards de FCFA.
Cette option pour l’autosuffisance était une anticipation sur les grandes mutations du commerce international. Ainsi, les autorités ont porté leur slogan «Autosuffisance en riz en 2017» dans toutes les régions du pays. Quelques années après, on apprenait que les productions de riz paddy pour la campagne 2017/2018 étaient d’1 million 15 mille 334 tonnes, soit une augmentation de 7% par rapport à la campagne 2016/2017. Alors que l’objectif des autorités était d’atteindre une production d’1 million 80 mille tonnes de riz blanc, soit 1 million 600 mille tonnes de riz paddy à l’horizon 2017. L’échéance a été donc reportée jusqu’en 2019. Jusqu’à présent, cette autosuffisance en riz n’est toujours pas une réalité au Sénégal. Durant ses dernières années à la tête du pays, après avoir subi les conséquences de la pandémie de la Covid-19 et de la crise Ukrainienne, Macky Sall s’est encore donné en mot d’ordre la souveraineté alimentaire au Sénégal. Ce défi n’est pas aujourd’hui relevé. Son successeur, le Président Bassirou Diomaye Faye qui vient d’être élu va-t-il marquer la rupture par rapport à cet éternel recommencement des politiques agricoles au Sénégal ? En tout cas, dès son accession au pouvoir, il a souligné l’urgence à gagner notre souveraineté alimentaire en investissant plus et mieux dans l’agriculture, la pêche et l’élevage.
«Je tiens particulièrement à ce que les subventions substantielles dépensées chaque année dans la campagne agricole bénéficient aux véritables producteurs et non à des acteurs intermédiaires », disait-il lors de son message à la Nation le 3 avril dernier. L’Etat du Sénégal est déterminé à se donner les moyens de booster ses productions agricoles et de répondre à moyen terme aux défis de la souveraineté alimentaire. C’est dans ce cadre que le gouvernement dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko a annoncé une batterie de mesures novatrices pour la campagne agricole 2024-2025. Parmi celles-ci, on relève l’augmentation du budget des intrants porté à 120 milliards FCFA et désormais la distribution des semences qui sera confiée aux forces armées. La semaine dernière, le ministre de l’Agriculture, de la souveraineté alimentaire et de l’élevage, Mabouba Diagne, a annoncé une baisse de plus de 22% du prix des engrais et une augmentation de la quantité de phosphates à titre gracieux de plus de 35 mille tonnes pour la campagne agricole de cette année.
Concernant la pêche, durant les 12 ans au pouvoir de Macky Sall, le secteur a fait l’objet de nombreuses controverses. Le manque de transparence dans l’attribution des licences de pêche à des navires présumés étrangers par le ministère de la Pêche et de l’Economie maritime (MPEM) a été souvent dénoncé par les acteurs. Pour une bonne gouvernance des pêcheries au Sénégal, les acteurs avaient demandé à l’Etat de divulguer l’identité des bateaux qui sont autorisés à pêcher au Sénégal avec une licence en bonne et due forme. Une doléance que le gouvernement de Macky Sall n’a pas su satisfaire. Chose que les nouveaux tenants du pouvoir ont pu concrétiser conformément à leurs engagements lors de la campagne pour la présidentielle du 24 mars dernier. Ainsi, la liste des navires autorisées à pêcher dans les eaux sous juridiction sénégalaise, à la date du 6 mai 2024, a été publiée par la ministre des Pêches, des Infrastructures maritimes et portuaires, Dr Fatou Diouf. Ce qui semble constituer un grand pas vers la transparence dans la gestion des ressources halieutiques au Sénégal.
Deux jours après la publication de la liste des bateaux agréés à pêcher par le ministère sénégalais de la Pêche, le chef de l’État a demandé le 8 mai 2024 en Conseil des ministres, un audit du secteur et une évaluation des accords de pêche avec les pays étrangers, y compris ceux avec l’Union européenne (UE). Une manière pour le nouveau pouvoir de revigorer un secteur de la pêche vital pour l’économie et les moyens de subsistance au Sénégal, mais qui connaît des difficultés croissantes, notamment une diminution des stocks de poissons et des pratiques de pêche illicites. Surtout il est question pour le régime du président Bassirou Diomaye Faye de protéger la pêche artisanale qui emploie plus de 600 000 Sénégalais et qui est capitale dans la préservation des moyens de subsistance locaux. La demande d’audit du pavillon sénégalais vise techniquement à identifier et à corriger toute irrégularité dans l’enregistrement des navires, y compris les soupçons de prête-noms. De plus, le renforcement des dispositifs de lutte contre les activités de pêche illicites s’avère crucial pour assurer la durabilité des ressources halieutiques et protéger les intérêts des pêcheurs artisanaux.
NDEYE AMINATA CISSE