Présidentielle américaine: le district d’Omaha dans le Nebraska peut-il faire basculer l’élection?
L’État du Nebraska et sa spécificité électorale pourrait donner un avantage décisif à Kamala Harris dans la course à la Maison Blanche si le district d’Omaha est remporté par les démocrates. Mais en coulisse, Donald Trump et les républicains s’affairent pour tenter de faire changer la loi électorale avant le 5 novembre 2024.
En apparence, la règle est simple. Pour s’asseoir dans le Bureau ovale, un candidat à la présidentielle américaine doit recueillir le vote de 270 des 538 grands électeurs que compte le pays. Selon la règle en vigueur du « Winner-takes-all », le candidat qui arrive en tête du scrutin dans chaque État remporte l’intégralité des grands électeurs de celui-ci, à deux exceptions près : le Maine et le Nebraska.
Ces deux États sont les seuls du pays à intégrer une part de proportionnelle dans l’attribution de leurs grands électeurs à un camp ou à l’autre : le « Split electoral votes ». C’est pour cette raison que le vote du district d’Omaha pourrait s’avérer déterminant au soir du 5 novembre. Car la ville natale du milliardaire Warren Buffet a voté largement en faveur de Joe Biden en 2020 lui donnant six points d’avance sur Donald Trump. Selon les sondages, ce scénario pourrait bien se répéter cette année, faisant ainsi d’Omaha un petit point bleu au milieu d’un « red state » historiquement largement acquis aux républicains.
Un grand électeur qui pourrait tout changer
Il y a quatre ans, ce grand électeur acquis à la cause Joe Biden sur les cinq que compte le Nebraska était presque anecdotique. D’autant qu’à 306 contre 232, la victoire des démocrates, n’en déplaise à Donald Trump, ne souffrait d’aucune contestation. Mais cette année, l’issue du vote s’annonce beaucoup plus serrée, en particulier si le scénario qui se dessine dans les sondages venait à se confirmer.
Kamala Harris semble actuellement bien placée pour remporter les « Swing States » de la « Rust Belt » que sont le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin, quand dans le même temps Donald Trump pourrait gagner ceux de la « Sun Belt », l’Arizona, le Nevada et la Georgie, auxquels pourrait s’ajouter la Caroline du Nord, républicaine depuis 2012.
Dans un tel scénario, parfaitement plausible, Kamala Harris comptabiliserait 269 grands électeurs, contre 268 pour Trump. Il ne lui en manquerait alors qu’un seul pour remporter l’élection et c’est bien le district d’Omaha qui pourrait lui apporter le grand électeur décisif pour accéder à la Maison Blanche. Ce serait alors l’élection la plus serrée depuis celle de George W. Bush contre Al Gore en 2000 qui s’était jouée à 271 grands électeurs contre
Trump et les républicains veulent changer la loi
Donald Trump et les républicains ont bien saisi la menace que cela pouvait représenter et ils accentuent la pression depuis plusieurs semaines pour faire changer la loi électorale du Nebraska avant la présidentielle et y rétablir la règle du « Winner-takes-all » telle qu’elle existait déjà dans l’État jusqu’en 1991. Les républicains échouent depuis des années à faire changer cette spécificité du « Cornhusker State », mais ils n’ont jamais été aussi proches de réussir. S’ils y parviennent, l’équilibre serait rétabli et Trump et Harris obtiendraient 269 grands électeurs chacun. Une égalité qui profiterait à Donald Trump puisque c’est la Chambre des représentants à courte majorité républicaine qui serait alors amenée à élire le nouveau président des États-Unis.
Le gouverneur républicain du Nebraska, Jim Pillen, en faveur du rétablissement du « Winner-takes-all », s’est dit prêt dans un communiqué à convoquer les sénateurs de l’État lors une session spéciale pour changer la loi électorale à la condition que 33 sénateurs, soit les deux tiers de l’Assemblée nécessaires à la modification de la loi, se prononcent publiquement en sa faveur avant le vote.
Les 49 sièges du Sénat du Nebraska étant justement actuellement occupés par 33 sénateurs républicains, cette « condition » préalable du gouverneur Pillen peut sembler anecdotique. Techniquement, les républicains ont le champ libre pour changer la loi avant l’élection présidentielle du 5 novembre. Mais dans les faits, le gouverneur Pillen vise sans le nommer un seul homme : le sénateur républicain Mike McDonnell.
L’issue du vote dans les mains d’un seul homme ?
Exclu du parti démocrate pour ses positions anti-avortement, cet ancien pompier et syndicaliste qui a rejoint les rangs des républicains au printemps dernier, s’est jusqu’ici toujours refusé à voter en faveur d’une modification de la loi électorale. Mais la pression s’accentue chaque jour un peu plus sur celui qui tient entre ses mains l’issue de ce vote.
Mercredi 18 septembre, le sénateur Lindsay Graham, fidèle parmi les fidèles de Trump a fait lui-même le déplacement jusqu’à Lincoln, la capitale du Nebraska, pour y rencontrer le gouverneur Pillen et une douzaine de sénateurs de l’État, dont Mike McDonnell, et tenter de les convaincre du bien-fondé d’un rétablissement de la règle du « Winner-takes-all ». « Je veux que la loi change. Je n’ai aucun scrupule à ce sujet », aurait-il ainsi déclaré selon des propos rapportés par le Washington Post, qui précise que Donald Trump lui-même serait brièvement intervenu par téléphone pour dire à quel point « cela est important » pour lui.
Pas suffisant pour le moment pour faire changer de position Mike McDonnell. « Le sénateur McDonnell a entendu de nombreux arguments convaincants pour et contre, mais pour l’instant, il reste toujours en faveur du non », a déclaré vendredi son porte-parole, Barry Rubin. « La seule façon pour lui d’envisager de changer serait si quelqu’un lui donnait une raison impérieuse expliquant pourquoi cela avait du sens compte tenu des mérites de la situation du « winner-takes-all » », a-t-il ajouté.
Mais Mike McDonnell pourra-t-il résister longtemps à la pression exercée par son propre camp pour le faire changer d’avis ? Les soutiens de Trump ont en tout cas encore un peu de temps pour tenter de le convaincre, le Sénat du Nebraska a jusqu’à la veille de l’élection présidentielle pour modifier la loi électorale et ainsi tenter d’influer sur le résultat final de l’élection présidentielle.
Le Maine prêt à changer sa loi électorale dans le cas où le Nebraska modifierait la sienne
En avril 2024, alors que le Sénat du Nebraska avait déjà tenté de modifié la loi électorale sans succès, la cheffe de la majorité démocrate à la Chambre des représentatns du Maine, le seul autre État à utiliser le « Split electoral votes », avait averti que le « Pine Tree State » n’aurait d’autre choix que de lui aussi changer sa loi électorale si le Nebraska était amené à le faire afin de rétablir une forme d’équilibre. Dans le Maine, à l’inverse du Nebraska, une seule circonscription est favorable à Donald Trump quand tout le reste de l’État semble acquis aux démocrates.
En imitant le Nebraska, si ce dernier rétablissait la règle du « Winner-take-all », le Maine espérait annuler l’avantage d’un grand électeur que cela conférerait au camp républicain en donnant lui aussi un grand électeur de plus aux démocrates. Seulement, ce si qui était envisageable en avril, ne l’est plus forcément aujourd’hui. Contrairement au Nebraska où les lois votées par le Sénat entrent en vigueur immédiatement, un délai de 90 jours est nécessaire dans le Maine. Majoritaires à la Chambre des représentants et au Sénat du Maine, les démocrates pourraient voter une nouvelle loi électorale, mais il est désormais trop tard pour qu’elle entre en vigueur avant le 5 novembre.
Les élus du Maine ont toutefois la possibilité de voter une « législation d’urgence » pour qu’elle puisse être mise en œuvre immédiatement, mais il faut pour cela qu’elle recueille les deux tiers des voix de l’assemblée. Bien que majoritaires, les démocrates du Maine ne sont absolument pas en mesure d’atteindre ce chiffre, il est donc impossible, ou presque, que la loi électorale du « Pine Tree State » puisse changer d’ici l’élection présidentielle.
RFI