Guerre Israël-Gaza: un an après, le constat de l’impuissance de l’ONU et de l’UE

Guerre Israël-Gaza: un an après, le constat de l’impuissance de l’ONU et de l’UE

Un an après le début de la guerre dans la bande de Gaza, le nombre de morts continue de grimper et l’horizon ne montre aucun signe d’éclaircie. Les Nations unies, mais aussi l’Union européenne et les États-Unis, apparaissent impuissants à mettre fin au conflit.

Malgré près de 42 000 Palestiniens tués depuis le 7 octobre -au lendemain de l’attaque terroriste du Hamas qui a fait 1 205 morts-, les appels incessants du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres sonnent encore dans le vide. « J’exhorte le Conseil de sécurité à s’unir pour soutenir un cessez-le-feu immédiat menant à une solution viable à deux États. C’est le seul moyen de mettre fin à ce cycle de tragédie », a déclaré le chef de l’ONU lors de l’Assemblée générale annuelle le 24 septembre. Appelant à mettre fin à la spirale de la violence, il a visiblement en vain rappelé que Gaza est « l’endroit le plus dangereux au monde pour l’acheminement de l’aide ».

L’ONU ne peut avancer que s’il y a consensus entre les grandes puissances. Depuis un an, les Nations unies, ne sont pas parvenues à mettre un terme à la guerre. L’instance planétaire pour le règlement des conflits et la paix dans le monde est minée par les divisions des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. « Le droit de veto sur cette question de la guerre, qui est essentiellement utilisé par les États-Unis, paralyse l’ONU. Et le soutien inconditionnel des États-Unis à Israël, évidemment, ne favorise pas la mise en œuvre d’une politique de négociation », analyse Alain Gresh, directeur du journal en ligne Orient XXI et auteur de Palestine: Un peuple qui ne veut pas mourir (Éditions Les liens qui libèrent).

« Une période de loi de la jungle »
Durant le grand raout annuel onusien, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, droit dans ses bottes, a ainsi prévenu durant son allocution et alors que de nombreux chefs d’État passés avant lui à la tribune avaient appelé à mettre fin à la guerre, que son armée continuerait à combattre le Hamas et le Hezbollah « jusqu’à la victoire ». Boycotté par plusieurs délégations, il a ainsi douché les espoirs d’une trêve temporaire de 21 jours au Liban proposée le 25 septembre par la France et les États-Unis, rejoints par de nombreux pays occidentaux et arabes.

La veille, 26 septembre, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas demandait : « Arrêtez le génocide. Arrêtez d’envoyer des armes à Israël. » « Cette folie doit s’arrêter. Le monde entier est responsable de ce que subit notre population à Gaza et en Cisjordanie. »

La Cour internationale de justice, organe suprême des Nations unies en termes de droit international, a affirmé qu’il y avait des risques de génocide à Gaza et a dit que l’occupation était illégale. Israël en fait fi. « Ce à quoi on est en train d’assister, poursuit Alain Gresh, c’est la disqualification du droit international comme base de règlement des conflits. On rentre dans une période qui risque d’être une période de loi de la jungle où le droit international n’a plus aucun poids. »

L’UE divisée
Impuissance des Nations unies, mais aussi de l’Union européenne. Le 17 septembre dernier, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borell, appelle à « faire pression » sur Israël et le Hamas palestinien pour parvenir à une trêve dans la bande de Gaza, après des mois de négociations infructueuses. « Tous les acteurs concernés doivent continuer à faire pression sur les deux parties » pour aboutir à un accord permettant un cessez-le-feu et une libération des otages retenus dans la bande de Gaza. Un appel qui lui aussi semble avoir été vain au vu de l’avancement de la situation sur le terrain et des désaccords flagrants entre les 27 membres de l’UE depuis le début de la guerre.

Les 27, qui il y a un an affirmaient à l’unisson « le droit d’Israël à se défendre », se sont rapidement divisés entre deux « camps » depuis un an : celui qui défend bec et ongles Israël et celui qui prône le respect du droit international, voire qui reconnait l’État de Palestine comme l’Espagne et l’Irlande. Trois semaines après le début du conflit, ils ne parviennent pas à s’unir pour appeler au cessez-le-feu, se contentant de réclamer des « pauses humanitaires ».

Parmi les reproches faits à l’UE : l’application d’un double standard entre l’Ukraine et la Palestine. Le voyage d’Ursula von der Leyen en Israël pour y rencontrer Benyamin Netanyahu le 13 octobre 2023 fait des remous à Bruxelles car la présidente de la Commission n’a pas un mot pour les Palestiniens de la bande de Gaza alors sous le feu des bombes.

De son côté, la France était porteuse jusqu’au début des années 2000 d’une voix différente sur le conflit entre Israël et les pays arabes, dont les Palestiniens, pensant qu’une solution « équilibrée » était nécessaire. Elle a ainsi joué un rôle moteur en poussant aux négociations avec l’OLP, en incitant à ce qu’on reconnaisse le droit à l’autodétermination des Palestiniens. « Aujourd’hui, dans les pays européens, la France est l’un des pays les plus alignés avec l’Allemagne sur l’Israël, pointe Alain Gresh. Il y a un changement complet de la politique française qui aggrave les divisions de l’Europe. C’est vrai qu’à 27, c’est difficile de prendre des positions, mais quand les principales puissances de l’Europe, la France et l’Allemagne, s’alignent à tel point sur l’Israël, ça rend toute action autonome de l’Union européenne vraiment très difficile. »

« Si on appelle à un cessez-le-feu, la cohérence c’est de ne pas fournir les armes de la guerre » : Emmanuel Macron a contre toute attente demandé samedi 5 octobre d’arrêter les livraisons à Israël d’armes servant à Gaza, suscitant la colère du Premier ministre israélien.

Les États-Unis, pieds et poings liés à Tel-Aviv ?
Le 27 septembre dernier, en pleine escalade avec le Liban et avant la mort de Hassan Nasrallah, et après le refus de Netanyahu d’une trêve temporaire avec le Hezbollah, Israël obtient 8,7 milliards de dollars d’aide des États-Unis pour soutenir ses efforts militaires. Depuis le 7 octobre, Washington continue coûte que coûte d’affirmer soutenir le « droit d’Israël à défendre son territoire et son peuple ». Cependant, le 8 octobre 2023, le président Biden demande à Tel-Aviv de ne pas commettre les mêmes erreurs que les États-Unis après le 11 septembre. « Depuis un an, les États-Unis démontrent à la fois une incapacité et un manque de volonté à transformer la situation sur le terrain, ils n’ont pas utilisé le seul levier à leur disposition pour changer la politique israélienne et mener à des négociations et la libération des otages : à savoir un embargo sur les armes ou une limitation très stricte de l’envoi d’armes en direction d’Israël », analyse sur RFI Philip Golub, professeur de relations internationales à l’université américaine de Paris.

Comme le rappelle Gilbert Achcar, professeur en études du développement et relations internationales à l’École des études orientales et africaines (SOAS) de l’université de Londres, à l’origine, Washington se voyait en médiateur neutre des relations entre Tel-Aviv et le monde arabe. « Lors de sa campagne présidentielle de 2020, le candidat Biden avait promis de renverser le cours très pro-israélien de la politique de son prédécesseur, notamment en rouvrant le consulat des États-Unis à Jérusalem-Est et en permettant à la représentation de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) de réinstaller un bureau à Washington ; il n’en a rien fait. Il a plutôt continué sur la lancée de M. Donald Trump en s’occupant en priorité d’inciter le royaume saoudien à se joindre aux États arabes ayant établi des rapports diplomatiques avec Israël, puis en apportant à Israël un soutien de facto inconditionnel depuis son invasion de Gaza. »

Un élément pouvant expliquer la position américaine vis-à-vis d’Israël : selon le Wall Street Journal, un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas à Gaza est peu probable avant que le président Biden quitte ses fonctions en janvier 2025. Si Kamala Harris est élue, elle entend cependant poursuivre l’accord de livraisons annuelles d’armes à Tel-Aviv pour 3,4 milliards d’euros. D’autres analystes avancent aussi que les États-Unis, s’ils diminuaient leur soutien à Israël, craignent d’avoir une place politique et sécuritaire moindre sur la scène proche-orientale.

« Je pense que la raison fondamentale, c’est que les États-Unis soutiennent Israël, inconditionnellement, analyse pour sa part Alain Gresh. Que même s’il y a eu au cours de l’histoire des tensions entre Israël et les États-Unis, l’alliance est stratégique. L’élection présidentielle pèse peut-être un peu parce que c’est un sujet de politique intérieure, mais la population américaine est maintenant assez divisée sur la question de la guerre à Gaza. »

Et le directeur d’Orient XXI de poursuivre : « Fondamentalement, il y a une convergence de la stratégie. États-Unis et Israël veulent éliminer le Hamas, ils veulent éliminer le Hezbollah, ils espèrent porter des coups à l’Iran. Mais quand on y réfléchit un moment, on a là un acteur fou, c’est à dire qu’il mène une guerre mondiale, régionale en tous les cas, contre tous les États, en espérant qu’ils vont gagner. C’est malheureusement le résultat, malgré les cris de victoire des Israéliens, c’est plus de chaos et sûrement pas l’idée qu’ils vont pouvoir imposer leur volonté dans la région. »

Netanyahu en toute impunité
Le Premier ministre israélien semble agir depuis le 7 octobre 2023 sans écouter quiconque. « Les diplomaties européenne et américaine sont en congé », a encore répété fin septembre l’ancien ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin.

Toutes les résolutions de l’ONU ont été piétinées. Dernier affront en date de Benyamin Netanyahu : se faire photographier au sein de l’ONU au moment où il donne l’ordre le 27 septembre de bombarder le bâtiment présumé du chef du Hezbollah à Beyrouth. « Il se moque des grands acteurs internationaux parce que les grands acteurs internationaux le permettent, affirme le directeur d’Orient XXI. Si les États-Unis arrêtent d’envoyer des armes à Israël, la guerre s’arrête en 24 heures. Si l’Union européenne décide de suspendre l’accord d’association entre Israël et l’Union européenne, le principal partenaire commercial d’Israël, ça aura un impact sur l’attitude israélienne. Israël viole toutes les résolutions du Conseil de sécurité et ça n’a pas de conséquences. Donc il continue la guerre, c’est tout. »

« Ce qui est choquant, expliquait en juillet sur RFI Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les Territoires palestiniens, c’est de voir la communauté internationale, surtout les gouvernements occidentaux, protéger Israël. Les États-Unis sont dans une démarche très dangereuse d’agression envers les Nations unies et les organes de justice pour défendre un État qui, de toute évidence, est en train de commettre des crimes atroces. L’Europe, elle, est faible. Il s’agit de respecter le droit international (…) Surtout, la convention sur la prévention du génocide. »

La guerre débutée le 7 octobre 2023 est la guerre la plus longue de l’histoire de l’État d’Israël. « Je ne crois pas que malgré les cris de victoire d’Israël, qui a remporté incontestablement des succès, ça va améliorer la situation du pays dans la région, ni d’ailleurs celle des États-Unis, ni non plus celle des Occidentaux en général, et des Européens en particulier », conclut Alain Gresh. Depuis un an, le monde entier assiste à une disqualification du droit international comme base de règlement des conflits. En mai dernier, l’ambassadeur israélien aux Nations unies passait à la broyeuse la charte de l’ONU après un vote symbolique sur l’adhésion de la Palestine. Aujourd’hui, Antonio Guterres est, fait inédit, persona non grata en Israël sur décision du gouvernement israélien.

RFI

Petit Ba

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