Réaction à son procès pour viol : Sonko allume sa dernière buche…
Persistant dans sa théorie du complot dans l’affaire de viol qui l’oppose à Adji Sarr, Ousmane Sonko ne voit la résolution du procès, non pas dans le verdict des juges, mais dans un rapport de forces en sa faveur que lui donneraient les foules qu’il veut lancer à l’assaut des institutions. Reste à voir quelle sera la réaction des autorités.
Ousmane Sonko, qui ne s’est pas présenté avant-hier au Tribunal de Dakar pour faire face à Adji Sarr, préfère se réfugier encore fois, comme à son habitude depuis mars 2021, derrière des masses de jeunes. Sa stratégie de «désobéissance civile» envers la Justice n’ayant pas marché, le leader du parti Pastef veut se mesurer à l’Etat sur le terrain de la rue. Il préfère ignorer que toutes les autorités de l’Etat ont déjà prévenu qu’elles ne laisseraient plus arriver ce qui s’est passé il y a un peu plus de deux ans. Tout ce qu’il faudra souhaiter dans la confrontation que nous promet le «Patriote en chef», c’est que l’on n’ait pas à ramasser de cadavres dans nos rues. Car il y a de très fortes probabilités qu’une fois de plus, dans ce nouvel épisode du feuilleton «Sweet Beauté», Ousmane Sonko ne voie pas de «Happy End» de son massage funeste.
Comme l’a dit devant la barre de la Chambre criminelle Me Adama Fall, l’un des conseils de Adji Sarr, Ousmane Sonko a, dès l’entame, voulu placer cette affaire sur le terrain de la politique. Au lieu de chercher à plaider le fond ou à trouver un terrain d’entente avec son accusatrice, il a dès le premier jour, parlé de complot. Le comploteur en chef étant le Président Macky Sall (à qui il avait dénié en mars 2021 toute légitimité, assurant qu’il ne l’appellerait désormais que par son nom, sans le titre de sa dignité…, avant de faire revirement des mois plus tard), il s’est servi de lieutenants et de (nombreux) complices.
Il y a eu, dès le début, le ministre Antoine Félix Diome, ensuite l’épouse de ce dernier, Me Dior Diagne, suivis de bien d’autres, comme Mamour Diallo, que Ousmane Sonko a tendance à voir dans plusieurs affaires louches de ce pays, son adversaire à Louga, Mberry Sylla, ou l’avocat Me Gaby Sô. Dans le complot, se sont ajoutés au fur et à mesure de l’évolution du dossier, des personnages aussi importants que le Général de la gendarmerie Moussa Fall, l’épouse du chef de l’Etat, Marième Faye Sall, son fils Amadou, le Colonel Mbengue de la Section de recherches. L’ancien Garde des sceaux, Malick Sall, ainsi que les magistrats Serigne Bassirou Guèye, Oumar Maham Diallo, ou le regretté Samba Sall dont la mort a littéralement réjoui certains partisans du parti Pastef sur les réseaux sociaux, tout ce monde a été cité comme ayant une part plus ou moins importante dans le complot visant à «stopper le Projet», comme le dit le chef du parti Pastef.
Le point commun à tous ces personnages et leur faute rédhibitoire dans l’imagination de Ousmane Sonko étaient d’apporter leur appui à Adji Sarr et de l’encourager à aller au bout de sa plainte. La stratégie de rupture ainsi appliquée avait eu un effet au début : le juge Mamadou Seck qui, le premier, avait hérité du dossier de l’affaire «Sweet Beauté», s’était rapidement déporté, en invoquant des liens familiaux avec la Casamance. Comme si, déjà, c’était une affaire entre les Casamançais et d’autres Sénégalais…
Il n’empêche que c’était une perche tendue et dont le leader du parti Pastef et ses partisans ne se sont pas gênés d’user et d’abuser, accusant le Président Macky Sall, ainsi que tous leurs adversaires, d’inimitié envers les Casamançais… ou même l’ethnie diola, comme ils veulent le faire avec les Mancagnes autour de la ministre Victorine Ndeye. L’ennui avec une telle stratégie, c’est qu’elle ne permet pas de plaider une affaire au fond. Mais hier, Ousmane Sonko l’a dit : cette affaire est politique et ne peut avoir qu’une solution politique. La politique ici, consistera pour Ousmane Sonko, à envoyer des jeunes et des populations dans les rues pour affronter les Forces de l’ordre, et amener Macky Sall à renoncer à l’emprisonner et à le priver de ses droits.
En refusant, comme l’avait prédit son accusatrice Adji Sarr, de se présenter à la barre pour se défendre, Ousmane Sonko a pris le parti de se faire juger par contumace. Or, les conséquences de cette stratégie sont mortelles, pour un homme politique qui, déjà, ne se voit d’avenir que présidentiel. En ne se présentant pas au Tribunal, il a de facto privé ses nombreux conseils du droit à la parole. Le juge Issa Ndiaye a été d’une courtoisie extrême en les laissant plaider pendant plus d’une heure, pour tenter de le convaincre de reporter le procès. Rien dans le Code de procédure pénale ne l’y obligeait. De plus, une fois le procès retenu, ses avocats n’avaient plus rien à faire dans la salle, sinon assister en simples spectateurs. Ceux parmi eux qui ont choisi de se constituer dans la salle au bénéfice de la co-accusée Ndèye Khady Ndiaye n’ont pas hésité à abandonner cette dernière en plein procès, en entraînant leurs autres confrères qui conseillaient la dame, et laissant cette dernière sans défense légale. Une manière de montrer que seule importait la personne de Sonko Ousmane dont il fallait «sauver le Projet».
Si aujourd’hui, il veut se voir réhabilité, il devra nécessairement se constituer prisonnier, pour pouvoir faire opposition à l’éventuelle condamnation qui pourrait lui être infligée le 1er juin prochain.
Mais dans sa tête, Ousmane Sonko voit les choses différemment. Puisque, selon lui, la Justice est aux ordres de Macky Sall, il faut contraindre ce dernier, par un rapport de forces dans les rues, à faire reculer cette Justice.
C’est la seule manière pour lui, d’éviter une totale déchéance. Mais ce faisant, le leader du parti Pastef a franchi une barre supérieure dans sa stratégie de rupture. Il appelle ouvertement cette fois-ci, à la confrontation avec les institutions de la République. Comment ces dernières vont-elles réagir à cette dernière bravade ? L’Etat va-t-il laisser le «Peuple de Pastef» dérouler sa «Caravane de la liberté de Sonko», rythmer la marche du pays ? Les réponses à ces questions permettront de voir si la stratégie de rupture qui, ici, n’hésite pas à plonger de nombreuses familles dans le deuil et le chagrin, aura été payante ou pas.
Le paradoxe est que cet individu déclare aspirer à diriger un jour ce pays. Croit-il sincèrement qu’en instillant dans la jeunesse, le virus de la violence et de la désobéissance civile, il pourra construire un avenir meilleur à chacun ? Quelle serait sa réaction si, une fois au pouvoir, des adversaires lui appliquaient ses méthodes ? Cette interrogation n’est pas spéculative. On a connu des semblables de Sonko en Allemagne dans les années 1930, ainsi qu’en Egypte, entre 2012 et 2013. Des gens arrivés au pouvoir par la voie des urnes, et qui une fois installés, ont commencé à tordre le cou à la démocratie. A la différence des autres, Ousmane Sonko ne reconnaît des vertus à la démocratie que lorsqu’il en tire profit.
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