États-Unis: le lobbying d’Idrissa Seck pour contrer un troisième mandat de Macky Sall…
Afin d’empêcher le président sénégalais de se représenter, l’opposant espère obtenir l’appui de Washington. Il s’est donc offert les services de deux spécialistes des relations publiques.
L’ancien Premier ministre Idrissa Seck souhaite se rendre outre-Atlantique pour alerter Washington sur la crise politique en cours au Sénégal. Il entend notamment prévenir la potentielle candidature de Macky Sall à un troisième mandat controversé lors de la présidentielle prévue l’année prochaine et dénoncer les affaires judiciaires du principal opposant de celui-ci, Ousmane Sonko. Pour sensibiliser l’opinion publique, Idrissa Seck a d’abord fait appel aux services de James Johnson.
Un contrat de 35 000 dollars
Cet avocat à la retraite spécialisé dans les droits civiques (qui demande 400 dollars de l’heure) est un ami d’université qui a déjà défendu l’homme politique sénégalais lorsqu’il était en prison, en 2005 et 2006, après s’être brouillé avec le président Abdoulaye Wade. « Dix-huit ans plus tard, Idrissa [Seck] m’a demandé de l’aider à nouveau », a relaté James Johnson à Jeune Afrique.
Johnson a ensuite mis Seck en contact avec Jeffrey Smith, de l’organisation Vanguard Africa, avec lequel le candidat à la présidence a signé un contrat de 35 000 dollars pour deux mois afin d’accroître sa visibilité dans la capitale américaine. « Nous allons certainement planifier un voyage à Washington DC pour qu’Idrissa Seck rencontre des représentants du gouvernement américain », a déclaré Jeffrey Smith, qui souligne que « cette démarche stratégique sera cruciale pour l’avenir des relations entre les États-Unis et le Sénégal ».
Cette campagne de lobbying intervient alors que la crainte de voir Macky Sall se représenter enfle chez ses opposants. Le Sénégal a modifié sa Constitution en 2016 – après que le chef de l’État avait été élu pour la première fois quatre ans auparavant – afin de limiter à deux mandats de cinq ans l’exercice du pouvoir par le président de la République. Mais Macky Sall estime que son premier mandat ne doit pas être pris en compte. Ce refus d’exclure la possibilité d’une nouvelle candidature exacerbe les tensions. Le mois dernier, plus de cent formations politiques et organisations de la société civile se sont regroupées au sein du Mouvement des forces vives du Sénégal (F24) pour faire pression.
Autoriser Sonko à se présenter
Idrissa Seck, Premier ministre de 2002 à 2004, était à la tête du Conseil économique et social dans le gouvernement de coalition de Macky Sall, mais il a démissionné de ses fonctions, et son parti, Rewmi, s’est dissocié de Benno Bokk Yakaar (BBY). Il estime qu’Ousmane Sonko devrait être autorisé à se présenter – pour l’instant. « Sonko a le droit d’être libéré de la présomption de culpabilité jusqu’à ce qu’il bénéficie d’un procès équitable prouvant le crime et épuisant les voies de recours », tranche James Johnson, qui a rencontré Seck pour la première fois en 1989, alors qu’ils bénéficiaient tous deux d’une bourse pour étudier à l’École des affaires publiques et internationales de Princeton.
« La priorité absolue est de faire en sorte que les acteurs politiques ne soient plus incités à poursuivre leurs rivaux pour des crimes lorsqu’ils désirent les priver du droit de s’exprimer. » Dans le cadre de son travail pour Idrissa Seck, Jeffrey Smith entend mobiliser les communautés de défense des droits humains et de la démocratie pour plaider en faveur d’« élections libres, équitables et crédibles au Sénégal ».
« L’élection de février 2024 constitue un tournant pour le pays, et sans doute pour toute la sous-région », souligne Jeffrey Smith, qui défend plusieurs opposants du continent, dont Bobi Wine en Ouganda, Martin Fayulu en RDC et Tundu Lissu en Tanzanie. « La double question d’un troisième mandat du président et des accusations en cours contre l’un de ses principaux rivaux, [Ousmane] Sonko, constitue une crise de gouvernance qui pourrait entraîner une répression pire encore que celle qui avait frappé Idrissa Seck en 2005 » avertit l’avocat.