Monsieur le Président, pas d’autre issue pour vous que de négocier «ci njekk rek» avec Ousmane Sonko ! (Par Mamadou Oumar NDIAYE)
Tout ça pour ca, serait-on tenté de dire ! Deux ans d’enquêtes, d’instruction, de lynchage médiatique, au moins 15 morts (jusqu’au jour du procès), de nombreux blessés, des centaines d’arrestations, des saccages et des dégâts matériels occasionnant des dommages s’élevant à des milliards de nos francs, une économie au ralenti, un pays coupé en deux… On peut dire que le Sénégal a payé un très lourd tribut aux mensonges d’une jeune fabulatrice manipulée par des gens de la majorité présidentielle et qui prétendait avoir été violée par la figure de proue de l’opposition. Deux ans après, à l’issue d’un procès auquel le principal accusé n’a pas pu ou voulu se présenter, voilà qu’on nous dit « naxeee mbaay !!! », ah, ah on vous a bien eus pauvres cons, il n’y avait absolument rien de ce pourquoi Ousmane Sonko était poursuivi depuis deux ans ! Pas de viols répétés et encore moins de menaces de mort à l’encontre de l’accusatrice ! Justice était enfin rendue au pauvre leader de Pastef persécuté depuis le début de cette affaire ? Vous n’y êtes pas car on n’allait quand même pas le laisser repartir comme ça les mains vides, ce serait trop facile voyons ! On va donc lui donner un « yobeul » en guise de cadeau souvenir de la justice sénégalaise : deux ans de prison ferme pour corruption de la jeunesse. Un délit pour lequel il n’a jamais été poursuivi, contre lequel il n’a jamais été mis en position de se défendre et que le procureur de la République, bien en peine de soutenir l’accusation de « viol », a sorti de sa manche pour demander au président de la chambre de bien vouloir condamner Ousmane Sonko de ce chef si les accusations de viol et de menaces retenues contre lui n’emportaient pas son adhésion. Et le brave juge, qui ne pouvait évidemment rien refuser au maître des poursuites, s’est exécuté. Si ce n’est toi Monsieur le Président, pas d’autre issue pour vous que de négocier «ci njekk rek» avec Ousmane Sonko ! Ici, l’on a dit à Ousmane Sonko que si ce n’est pas un viol et s’il n’y a pas eu de menaces de mort à l’encontre de la menteuse Adji Sarr, c’est donc qu’il a corrompu la jeunesse ! En vertu — ou en répression — de quoi, on l’a condamné à une peine de deux ans de prison ferme. Voilà donc la singulière façon dont la justice est rendue au nom du peuple sénégalais c’est-à-dire à notre nom à tous. On ne sait pas encore si le brillantissime magistrat qui a rendu le jugement d’avant-hier est allé ensuite se laver les mains avant de s’écrier, comme Ponce Pilate, le procurateur romain qui avait condamné à mort Jésus Christ : « je suis innocent du sang de ce juste ! » Il y aurait en tout cas eu de quoi tellement ce jugement est scandaleux et ne fait que traduire la volonté du président de la République de voir liquider son principal adversaire, celui qui est le plus idéalement placé pour l’empêcher de réaliser la passe de trois c’est-à-dire d’obtenir ce troisième mandat — oups, pardon ce second quinquennat ! — auquel, selon beaucoup de gens, il penserait le matin en se rasant… Le Droit est mort, et la justice injuste ! Partout dans le monde, et singulièrement en Afrique, où la justice ne rend pas des décisions justes — ou en tout cas perçues par telles par les populations auxquelles elles s’appliquent —, c’est le début de l’anarchie, les gens cherchent à se faire justice euxmêmes, les forts écrasent les faibles et la raison du plus fort (celle-là même que cherche à faire prévaloir le régime qui nous gou- verne) tend à devenir la meilleure. Comme celle du loup de la fable ! Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner de voir les peuples prendre les choses en main vu qu’ils ne se reconnaissent plus dans leur justice. De ce point de vue, le spectacle auquel on a assisté jeudi à savoir celui d’étudiants brûlant la Faculté de Droit d’une Université en s’écriant : « Le Droit est mort ! », « Le Droit est mort ! » est un symbole extrêmement fort sur lequel il convient de méditer sérieusement. En tout cas, les morts (plus de onze officiellement en deux jours), les blessés, les dégâts matériels extrêmement importants — il y en a eu pour des milliards de nos francs —, la paralysie de l’économie, l’arrêt de tout trafic automobile, la fermeture des écoles…auxquels on a assistés immédiatement après le verdict de ce procès, tout cela prouve que d’importants pans de notre pays ne se sont pas retrouvés dans ce jugement à l’opposé de celui de Salomon ! Un jugement d’une justice tropicale dans une République arachidière… En tout cas, les émeutes de ce jeudi noir et d’hier vendredi ont fini de montrer toute la vanité des rodomontades du président de la République déclarant sur un ton martial et à manière d’un matamore, à Diamniadio, devant les participants à ses concertations sur le pétrole et le gaz, que « ce qui s’était passé ici en mars 2021 ne se reproduira plus jamais ! » Hélas, malgré les équipements répressifs de dernière génération offerts aux forces de défense et de sécurité et, dit-on, les conseils d’experts israéliens, cela s’est reproduit en plus grave avant-hier et hier. Car même s’il y a eu moins de morts qu’il y a deux ans (pour le moment du moins), les destructions, elles, sont bien plus importantes. Et tout cela parce que, jamais deux sans trois, on a voulu conduire à l’abattoir un opposant susceptible de s’opposer à l’envie de rempiler d’un président de la République après Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall avant le scrutin de 2019. Dans plusieurs quartiers de Dakar et beaucoup de localités du pays, ces deux jours, les manifestants étaient maîtres de la rue désertée par les policiers et les gendarmes. Et, l’Armée a même dû être appelée à la rescousse. Tout cela au lendemain du dialogue en forme de « deal » lancé en grande pompe mercredi par le président de la République. Un dialogue boycotté par la frange la plus significative de l’opposition qui voulait tenir au même moment son « contre-dialogue » interdit par le préfet de Dakar et dispersé à coups de grenades lacrymogènes par les FDS qui n’ont pas hésité à investir en toute illégalité le siège d’un parti politique pour en déloger les responsables de l’opposition qui s’y trouvaient ! N’étant ni des devins, ni des mages, ne sachant pas manier les cauris encore moins lire dans le marc de café, nous ne nous hasarderons donc pas à prédire l’issue de cette énième éruption populaire qui a éclaté après le verdict du procès Adji Sarr/Ousmane Sonko. La seule chose dont on soit sûrs, en revanche, et qui est aussi certaine que le lever du soleil, c’est celle-ci : le président de la République ne pourra jamais écraser par la force ce soulèvement popu- laire qui débute. D’autres présidents plus puissants et mieux armés que lui s’y sont essayés ailleurs (Tunisie, Egypte, Libye…) et se sont cassé les dents. La seule solution de sagesse et l’unique voie de salut résident — si ce n’est trop tard, hélas — dans l’ouverture de négociations franches avec l’opposition et son chef, Ousmane Sonko. Le Président devra dire clairement qu’il ne briguera pas un troisième mandat, permettre à tous les candidats qui le désirent de se présenter à la présidentielle de 2024 et libérer les centaines de prisonniers politiques détenus dans ses geôles — dont notre confrère et ami Serigne Saliou Guèye embastillé sous le ridicule délit d’exercice illégal de la profession de journaliste. Le seul avec qui le président de la République doit négocier c’est Sonko et non pas avec les charlots et autres Pieds-Nickelés qu’il a invités à son dialogue « Benno » et qui ne représentant absolument rien du tout et même pas leurs propres personnes ! Un « dialogue » qui lui aura coûté cher assurément parce que sa phrase « si les gens ne veulent pas que je fasse un autre mandat, ils doivent me le demander gentiment car nul ne peut me forcer » — nañu mako laaj ci njekk — a contribué à attiser la colère populaire. Dans toute guerre, il faut savoir parfois opérer des replis tactiques. Actuellement, le président Macky Sall est cerné, acculé et ne tient plus que par les forces de défense et de sécurité ellesmêmes débordées. Il a tout intérêt à reculer et à négocier car sinon hélas… Mamadou Oumar NDIAYE
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