Procès Adji Sarr/Ousmane Sonko-manifestations violentes-appel au dialogue: Me Nafissatou Diop se confie
La situation très tendue qui sévit au Sénégal avec son cortège macabre, hante le sommeil des acteurs politiques. Sur ce registre précis, Me Nafissatou Diop affirme avec force ses convictions et appelle à un dégel. Entretien avec la notaire.
Direct-News-Lors du procès ayant opposé Ousmane Sonko à Adji Sarr, certains se demandent pourquoi on a requalifié les faits de corruption de la jeunesse au lieu du viol. Qu’en pensez-vous ?
Me Nafissatou DIOP : La Chambre criminelle a disqualifié les faits de viol en corruption de la jeunesse. Le Code de procédure pénale donne plénitude de juridiction à la Chambre criminelle qui peut prononcer des peines criminelles ou des peines correctionnelles. Notez que l’infraction de corruption de la jeunesse est prévue par l’article 324 alinéa 2 du Code pénal, de même que les infractions de viol, de pédophilie et de détournement de mineurs. Ces dispositions se trouvent dans la section consacrée aux attentats aux mœurs prévue par le Code pénal. Elles sont de la même famille et obéissent aux mêmes règles procédurales.
Mais certains considèrent que cette requalification des faits obéit à des injonctions politiques. Ils estiment qu’Ousmane Sonko devait être blanchi puisque le viol a été écarté.
Je respecte la Justice de mon Pays et les Magistrats ont droit à notre respect. Les Magistrats sortent de nos universités et de nos écoles de formation. Ce sont des citoyens sénégalais qui aiment leur pays. N’est pas Magistrat qui veut. S’ils étaient aux ordres, ils auraient pu retenir le viol et condamner Ousmane Sonko à 10 ans ferme. S’ils ne l’ont pas fait, c’est parce qu’ils sont libres et décident selon leur intime conviction sur la base des éléments qu’ils ont entre les mains. Aucune pression, aucune manipulation ne peut leur faire dire autre chose que le Droit. Retenez qu’Ousmane Sonko a été condamné à deux ans de prison ferme. Le droit a été dit.
Justement, après l’annonce du verdict, des personnes, notamment des jeunes, ont violemment manifesté contre le verdict. Qu’avez-vous ressenti ?
Un sentiment de tristesse. Le droit de manifester est inscrit dans la Constitution. Mais on a assisté à autre chose qu’une manifestation pour défendre les intérêts d’un leader politique. Des gens ont attaqué des infrastructures publiques et privées, détruit et pillé des biens d’honnêtes citoyens. Le plus grave, c’est qu’on parle également de forces occultes qui ont profité de la situation pour tenter de déstabiliser le pays.Permettez-moi de féliciter ici nos Forces de Défense et Sécurité qui ont fait preuve de professionnalisme. Elles ont su canaliser les manifestants et ont pu réduire les dégâts.
Mais on parle de 15 morts. Plus qu’en mars 2021.
Oui. Je m’incline pieusement devant la mémoire de ces jeunes qui ont malheureusement perdu la vie.Seulement, vous conviendrez avec moi que les Forces de Défense et Sécurité n’ont aucun intérêt à tirer sur des manifestants ou à détruire des biens publics et privés. Alors, il faut aller chercher les coupables ailleurs. A qui profitent les crimes ? Qui a intérêt à installer le chaos dans le pays ? Ce n’est pas les Forces de Défense et de Sécurité encore moins le président de la République. On ne peut pas construire des infrastructures comme le TER et le BRT et revenir pour les saccager. C’est un non sens. Il faut interroger ceux qui appellent à l’insurrection et à marcher sur le palais.
Qu’est-ce que l’État doit faire donc pour arrêter l’escalade de violences ?
La situation s’est un peu calmée. Mais les autorités doivent veiller au grain parce que les assaillants peuvent reprendre les attaques à tout moment. Cependant, je voudrais m’adresser solennellement aux jeunes pour leur dire qu’ils sont l’avenir de ce pays. Qu’ils ne doivent pas se laisser manipuler. Ce pays leur appartient. Ce sont eux les dirigeants de demain. Je suis profondément choquée par ce qui s’est passé à l’université, le temple du savoir comme on l’appelle. Des efforts extraordinaires ont été faits pour améliorer les conditions de vie et d’étude des étudiants. Anéantir des années d’efforts en quelques heures, ce n’est pas raisonnable. Ce sont les étudiants eux-mêmes qui vont en souffrir. C’est dommage.
Je voudrais aussi lancer un message aux parents. Ils ne doivent pas accepter que leurs enfants participent à des manifestations. On a vu des gamins de 9 ans, 10 ou 13 ans, et même des taalibés, en train de lancer des pierres aux policiers et aux gendarmes. Où sont leurs parents ? Je ne suis pas sûre qu’ils ne sont pas au courant que leurs enfants sont sortis dans la rue pour participer aux manifestations.
Certains soutiennent que le Président Macky Sall doit discuter avec Ousmane Sonko. Qu’en dites-vous ?
D’abord, je voudrais féliciter le président de la République pour son ouverture, son sens du consensus. Il a lancé un appel au dialogue holistique, à toutes les forces vives de la nation. Mais tout un chacun est libre d’y répondre ou pas. Dialoguer, ce n’est pas se compromettre. C’est avoir le courage de défendre ses idées sur la place publique. Toute autre démarche n’est que manœuvre subversive. Cela ne prospérera pas. Personne ne peut conquérir le Sénégal par la violence. Nous sommes une Démocratie majeure prouvée au fil de l’histoire.