Idrissa Seck répond à Mbougar, Felwine et Boris
Le candidat à la Présidentielle a donné son point de vue critique sur la tribune signée par Mohamed Mbougar Sarr, Felwine Sarr et Boubacar Boris, dans laquelle ces auteurs pointent la responsabilité exclusive du chef de l’État dans les récentes troubles qui ont fait 16 morts (bilan officiel). Voici l’intégralité du texte.
Mes chers compatriotes,
J’ai lu avec intérêt un trio d’intellectuels célèbres, Boris, MBougar et Felwine, mais leurs propos m’ont paru manquer de nuance et d’équilibre, voire d’équité, et m’ont donné le sentiment qu’ils parlaient sous la dictée de maîtres autre que la « Vérité », parés de leurs attributs de grand intellectuel, sans doute pour donner une apparence de poids à leurs paroles biaisées et partisanes.
Du haut des septième « Hauteurs » qu’ils me permettent ce rappel: lorsque l’intellectuel trempe sa plume dans son encre pour transcrire sur son papier les conjectures de son esprit, son premier devoir, est se souvenir « qu’il ne lui est donné que peu de science ». C’est seulement sous la contrainte de cette humilité qu’il doit s’adresser à un peuple de lecteurs où séjournent des « doués d’intelligence », anonymes et silencieux, capables de détecter leurs motivations les plus secrètes et les commandes qui les actionnent.
Le Sénégal est une grande nation démocratique qui peut connaître par moments des crises violentes comme la France et ses « gilets jaunes » ou les Etats-Unis et leur « attaque du Capitole ». Viendrait-il à l’esprit d’un intellectuel de décréter la fin de la démocratie en France ou aux Etats-Unis, lorsque des camions de gendarmerie et de police y sont brûlés ou des tueries de masse organisées? Non. On se réjouit que l’État y restaure l’ordre et le règne de la loi. Pourquoi ne nous devons vous pas le même respect? Je répète : « le Président de la République a une mission essentielle, urgente, protéger la République, ses Institutions, sa Constitution et ses Lois, ses Citoyens et leurs Biens. » C’est cela l’intérêt vital national. Toute faiblesse affichée dans l’accomplissement de cette mission, qui exige bien évidemment l’observance par l’État lui-même des règles constitutionnelles et légales, serait une trahison du mandat accordé par le peuple. Concentrons nous donc sur cela pour l’instant.
Le sujet du troisième mandat reste central, mais il ne sera devenu une réalité que si le Président de la République l’annonce, si le Conseil constitutionnel le valide, et si le peuple l’octroie. Une série de « si », à mon humble avis, peu probables dans leur intégralité.
Souvenons nous également que l’histoire humaine est remplie de « cités détruites » dont les archéologues ne nous ont pas encore révélé les secrets des ruines. Ces cités ont eu en commun « le règne de l’injustice ».
Si un citoyen, parce que leader politique, s’autorise le droit d’insulter les juges et les forces de sécurité et de défense, de menacer de mort le chef de l’Etat, d’appeler ouvertement à l’insurrection et de rester libre, il n’y a pas d’Etat, il n’y a pas de justice.
Si un citoyen peut impunément calomnier et diffamer d’autres citoyens, il n’y a pas d’Etat, il n’y a pas de justice.
Si un citoyen peut user de son leadership pour s’octroyer les faveurs d’une jeune mineure et refuser de se soumettre à la justice de son pays, il n’y a pas d’Etat, il n’y a pas de justice.
Si un chef d’Etat, après deux mandats consécutifs, s’extirpe du « Nul ne peut … » constitutionnel, et impose à son peuple un troisième mandat, il n’y a pas d’Etat, il n’y a pas de justice.
Aucun des motifs ci-dessus listés ne mérite cependant les morts d’innocents sénégalais et les drames de la violence actuelle.
Souvenons nous enfin que la trame de l’histoire humaine peut nous inciter à la vigilance et à la prudence. Quelle est cette trame? C’est l’histoire d’un couple heureux, vivant dans un immense jardin, doté de toutes les richesses nécessaires à son bonheur. Puis il reçoit la visite d’un « conseiller furtif » et il se laisse tenter, berner, suborner par un « ennemi juré, orgueilleux et méprisable », mais doté de « la faculté de nous observer sans nous être visible ». Puis le conseiller furtif manipula le couple en se servant de « son désir d’éternité et de gloire ». Puis le couple l’écouta et le suivit et fut « dénudé et déchu », condamné à des efforts incommensurables pour retrouver le chemin de son bonheur passé.
Le Sénégal peut sortir de cette crise et de toutes les autres, mais pas sans efforts, sans introspection pour vaincre la bêtise, l’hypocrisie, la malhonnêteté, bref sans DROITURE. Et chacun d’entre nous est interpellé à ce sujet. Je vous remercie.
Idrissa SECK