Situation politico-sociale au Sénégal: au-delà du passionnel, le factuel….

Situation politico-sociale au Sénégal: au-delà du passionnel, le factuel….

Aux yeux de certains, ces mots peuvent sembler venir tardivement, voire trop tardivement, mais je pense avoir attendu le moment propice pour le faire, la trêve. Je pourrais aussi me servir de l’adage qui dit qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire. Vous comprendrez peut-être aussi le retard accusé dans l’émission de ce point de vue par le fait que j’ai dû batailler fort pour dominer mon chauvinisme qui m’imposait de lever la plume au moment où mon cœur saignait à l’instar de celui de tous nos compatriotes. Je l’aurais prononcé pendant ces moments où la passion avait carrément ravi la vedette à la raison, le discours serait passé en sourdine sous cette pluie de grenades lacrymogènes et dans les cris de tous ces Sénégalais déboussolés qui ont perdu leurs biens matériels ou des membres de leur famille. Le discours serait aussi passé inaperçu dans ce sauve-qui-peut où tout le pays avait fini de se retrouver.

Maintenant que la situation semble revenir à la normale, je me dois, par amour à cette nation et par égard à la personne du Président de la République, M. Macky Sall, de lever ma plume dans l’espoir que son message sera perçu et qu’il produira les effets escomptés.

Il serait dommage et catastrophique de continuer à nous faire sciemment berner en croyant que la tension a été dissipée après ces trois jours de manifestations. Il suffit juste d’analyser les causes d’une telle situation pour savoir que nous ne sommes malheureusement que dans une période de trêve à durer indéterminée.

Pour avoir une appréhension plus ou moins nette de cette situation que nous vivons depuis plus de deux ans maintenant et qui confine au chaos, il faudrait essayer d’en déceler les causes que sont:

1) le sentiment d’injustice

2) le soupçon d’une troisième candidature du Président Macky Sall

3) la rupture du contrat de confiance entre le peuple et ses gouvernants.

La jurisprudence Khalifa Sall et Karim Wade ont clairement alerté les Sénégalais sur le cas Ousmane Sonko. De bonne foi et très légaliste, j’ai toujours cru et je continue de croire en la thèse de la coïncidence entre les affaires judiciaires et les échéances électorales. Mais cette coïncidence risque d’être celle de trop. Je ne dirai pas la goutte d’eau qui ferait déborder le vase puisqu’elle n’en est pas une. Chat échaudé craint l’eau froide, nous dit-on. Et la réaction des partisans du leader du PASTEF, pour ne pas dire du peuple Sénégalais, en est une parfaite illustration. Et l’histoire nous en dit tous les jours depuis mars 2012. A cause de ces dossiers politico-judiciaires susmentionnés (Karim Wade, Khalifa Sall et Ousmane Sonko), la justice de notre pays, pilier principal de notre stabilité politico-sociale, n’a jamais été aussi mal perçue.

En plus de ce sentiment d’injustice qu’éprouvent bon nombre de nos compatriotes, notamment les jeunes, il faudrait y ajouter le spectre de cette éventuelle troisième candidature du Président Macky sall qui hante le sommeil de tous les Sénégalais qui attendent d’être édifiés sur cette épineuse question. Hélas, le Président Macky Sall décide de faire durer le suspens pour des raisons que lui seul sait.

Pour gouverner un peuple, il faut connaître son histoire. Cela va sans dire que le Président Macky Sall connaît bien l’histoire de ce peuple pour avoir le privilège d’être de ceux qui ont écrit ou qui continuent d’écrire ses pages les plus récentes. Le souvenir de la troisième candidature du Président Wade, avec son lot de dégâts et de pertes en vies humaines, est encore frais dans la mémoire collective des Sénégalais. Et le peuple sénégalais a déjà clairement montré qu’il ne veut pas du tout mener le même combat qu’il avait mené il y a une décennie avec celui qui le dirige présentement.

Enfin, à voir l’attitude d’une bonne partie des Sénégalais vis-à-vis du discours de nos dirigeants, on se rend facilement compte de la rupture totale de ce contrat de confiance qui doit exister entre des gouvernants et leurs gouvernés. La confiance semble inexistante entre cette jeunesse et nos gouvernants, une jeunesse qui estime avoir été depuis toujours victime des beaux discours de ceux qui la dirigent. Le vent de la « conscientisation » ou de la « manipulation » (selon la position politique de celui qui l’appréhende) est peut-être passé par là. Mais quoi qu’il puisse en être, nous devons nous rendre à l’évidence: l’imaginaire collectif de cette jeunesse a complètement changé, faisant ainsi souffler un vent aux allures d’une révolution.

Les causes de cette situation étant toujours réelles et plus que jamais palpables, il est clair que cette accalmie notée depuis trois jours n’est que temporaire même si nous souhaitions qu’elle soit le retour définitif de la stabilité qu’on nous connaît.

Et pour bien sortir de cette impasse, la clé se trouve entre les seules mains du Président de la République, lui qui définit la politique de la nation, qui est la clé de voûte de nos institutions et qui est aussi et surtout garant de notre stabilité.

Et pour cela, des mesures fortes doivent être prises par le Président de la République, non pas en répondant aux manifestants par la force, mais plutôt en jouant la carte de la diplomatie et en faisant usage à bon escient de ce boulevard de prérogatives que lui donne la constitution.

S’agissant de la question de la troisième candidature, puisque je ne suis pas constitutionnaliste et que même les constitutionnalistes y vont chacun de sa propre conviction, j’invite le Président Macky Sall à la morale et à l’histoire, au-delà du droit.

La légalité où non de sa troisième candidature est et restera à jamais un point d’achoppement dans le landerneau politico-social de la nation. Mais tous ceux qui aiment le Président Macky Sall l’appelleront à faire abstraction d’un droit que pourront lui donner la constitution en ne se fiant qu’à sa parole déjà donnée et dont les traces resteront à jamais indélébiles. Cela lui donnerait une place de choix dans l’histoire politique de ce pays dont il aura contribué à la construction et à la consolidation de la démocratie.

Amadou SOKHNA, enseignant, écrivain

Amadeus

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