Habitat – Déguerpissement à la Zone de captage : Une mesure qui ne fait pas que des heureux

Habitat – Déguerpissement à la Zone de captage : Une mesure qui ne fait pas que des heureux

Une vaste opération de déguerpissement des résidents de la cité Baraque a été lancée ce samedi par les services de désencombrement, appuyés par les Forces de sécurité. Sans toit, les déguerpis sont sans voix.

Après la pluie de la matinée du lundi, la cité Baraque, située à la Zone de captage, derrière l’autoroute Seydina Limamou Lahi, était plongée dans un calme inhabituel. A l’entrée de la cité, un important dispositif sécuritaire est en place. Les policiers, disposés de part et d’autre, supervisent les lieux et font dévier les passants ainsi que les automobilistes. L’endroit est complètement rasé et ressemble à un vaste champ de ruines. Les bulldozers des services de désencombrement, encadrés par un important dispositif sécuritaire, ont tout aplati. Il ne reste qu’à constater les dégâts. Des montagnes de débris de zincs et de briques par-ci et par-là, des planches jonchant le sol, des amas d’objets hétéroclites, des tables démontées,… C’est le décor à la cité Baraque de la Zone de captage, méconnaissable depuis vendredi dernier. Une opération de déguerpissement qui suscite la colère et la désolation dans les rangs des anciens occupants de cet espace, mais un ouf de soulagement pour les habitants.

Interrogé en effet hier, Jordan Sandrick Yembi Koumba, un jeune homme de nationalité gabonaise trouvé sur les lieux, approuve l’opération de désencombrement. «A mon arrivée à Dakar, j’ai été baigné dans cet environnement-là. Aujourd’hui, je suis tout à fait satisfait par rapport à l’opération qui s’est déroulée depuis vendredi. C’est un ouf de soulagement pour nous», dit-il. Il reconnaît d’ailleurs que la Zone n’était pas sécurisante à l’époque car beaucoup d’agressions ont été constatées par la population, en plus des cas de vol et d’insalubrité. «J’ai même des camarades qui se sont fait agresser dès leurs premiers jours. Donc, il faut dire que cette opération était vivement attendue par les résidents», a fait savoir Jordan Sandrick, qui vit dans la zone depuis 4 ans. Dans le même sillage, une dame rappelle que les déguerpis ont été sommés depuis pas mal de temps. Alors, elle considère cette démolition de la Cité imbécile 2 comme une délivrance. Elle est un pas essentiel vers une meilleure sécurisation de Zone de captage. «C’est un ouf de soulagement pour les habitants de la Zone de captage parce que c’est quelque chose qu’on attendait depuis longtemps. Des cités de ce genre ne doivent pas exister dans des quartiers résidentiels comme la Zone de captage et ailleurs à Dakar», a-t-elle soutenu. Actif aux côtés des autorités policières et administratives, l’agent à la mairie de Grand-Yoff indique que les résidents du site sont pour la plupart des étrangers venus de la sous-région et parmi eux, il y avait des bandits, des voleurs. «Il y avait du tout à l’intérieur. Des agressions matin, midi et soir. Vous partez au travail, vous rentrez chez vous et vous trouver votre appartement dévalisé. La cité, ce sont des parcelles privées qui appartiennent à des gens, et ceux-là ont réclamé leur terrain», explique-t-elle. C’est une page qui se tourne pour les occupants qui avaient reçu des sommations il y a plus d’un an. Mais ils ne s’attendaient pas à cette intervention si rapide à leurs yeux. Les autorités ont été obligées de les prendre par surprise pour arriver à leurs fins.

Par ailleurs, les quelques déguerpis, qui étaient sur les lieux pour constater sans récrimination la démolition de leurs baraques, sont en colère. L’orgueil conseille peut-être la révolte, mais ils sont impuissants devant les Forces de sécurité. L’opération leur crève le cœur. La plupart d’entre eux étaient partis à l’intérieur du pays pour la célébration de la Tabaski. Se retrouvant sans toit, après avoir été acheminés dans la nuit du samedi à l’Arène nationale de Pikine, certains d’entre eux étaient revenus hier pour réclamer ou chercher leurs bagages. Restant immobiles à quelques mètres de leur cité devenue un grand désert, ils aperçoivent les tas dans lesquels figurent sûrement leurs affaires.

Des déguerpis en colère
Des visages crispés et tristes. Des mots durs et déplacés sortent parfois de leurs bouches. «Nous le déplorons tous. Heureusement que j’ai pu sauver ma valise qui contenait mes certificats. Si je savais qu’on allait nous déguerpir, j’allais emporter tous mes bagages», soutient Idy Dramé, habitant de Diarème. Ancien soldat devenu ferrailleur, il a perdu tous ses matériels de travail. Il ne croit pas pouvoir refaire sa vie ailleurs. «Je suis ancien soldat, élément Bat’Train classe 2005-2. J’ai passé 4 ans dans ce coin, mes plans de bâtiments, tout est perdu. Personne ne sait c’est quoi l’origine de tout ça. Ceux qui doivent nous aider, ce sont eux qui nous ont causé tout ça», confesse Idy Dramé, visiblement désemparé. De l’autre côté de la route, Moustapha Faye, marchant ambulant confortablement installé devant une boutique en face du bassin de rétention. Un sentiment d’impuissance l’anime. «On nous a réveillés très tôt le matin vendredi pour nous dire, oui, il faut sortir, on doit vous recenser. A notre grande surprise, on a trouvé des bus pour nous acheminer à l’Arène nationale», raconte Moustapha Faye. Très remonté, il se désole du déguerpissement. «Il ne me reste rien du tout. Mon téléviseur, mon frigo, mes bagages, je ne vois rien. On nous a fait sortir et personne n’ose approcher. On nous prend pour des clochards», déplore-t-il. Près de lui, d’autres occupants partagent la même déception. D’ailleurs, ils sont dans tous leurs états et regrettent l’intervention brusque des autorités.

Réveillée brutalement par des policiers dans la nuit du samedi au dimanche, Fatou Cissé, maman de deux enfants, dénonce cette opération. «Ils ont tout détruit. On n’a rien pu sauver. On n’a nulle part où aller. Ma petite sœur est en état de grossesse et son mari est en Guinée», se plaint-elle, craignant des lendemains sombres pour elle et sa famille, surtout en ce moment d’hivernage.

Cité Imbécile : Le jour d’après 

Le quartier de Darou Salam ou Cité imbécile n’existe plus. Tout comme le jour d’avant, l’accès y est très restreint. La police veille sur le pont qui enjambe l’autoroute. «Il n’y a plus de quartier ici», répond sèchement le policier à la porte. En face, debout, assis ou même couchés sur des matelas échappés miraculeusement du désastre, les anciens habitants de la cité attendent toujours de savoir quel sort est réservé à leurs affaires. Modou, un gringalet trouvé à quelques mètres du camion de la police, ne décolère pas. «Le chef de quartier et les propriétaires, si je savais où ils habitent, j’irais mettre le feu chez eux. Ils ont reçu des sommations depuis 6 mois, mais ils n’ont rien dit. Ils ont juste continué à prendre l’argent des gens. Mon frère avait la plus grande boutique du quartier. Rien n’en est sorti. Ils n’ont fait sortir que les bouteilles de gaz. Tout le reste, riz, huile, sucre, a été détruit», raconte-t-il avec colère. Une femme assise sur un pneu confie être précipitamment rentrée du Baol. «On m’a appelée pour me dire que le quartier a été démoli. Je viens essayer de sauver mes affaires», dit-elle dans le désordre des lieux, elle cherche surtout son bailleur et le moyen de récupérer les 25 mille francs de loyer déjà avancés pour le mois à venir. Les bienheureux, qui ont pu accéder à l’intérieur de la cité, chargent leurs bric-à-brac sur des tricycles. Pour les autres, c’est dans les ruelles du quartier des Hlm qu’ils trouveront refuge. Le temps de s’organiser.

Amadeus

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