Un graphiste turc arrêté puis relâché, symbole des inquiétudes du pouvoir avant les élections

Un graphiste turc arrêté puis relâché, symbole des inquiétudes du pouvoir avant les élections

Dans un peu plus d’un mois, le 14 mai, le président turc Recep Tayyip Erdogan et son Parti de la justice et du développement (AKP), joueront leur survie politique dans un scrutin très disputé. À mesure que le vote approche, la tension monte et l’étau se resserre sur les opposants. Un graphiste d’Izmir vient d’en faire les frais.

La semaine passée a fourni un nouvel exemple du climat dans lequel se déroule la campagne. Un climat d’entraves à la liberté d’expression. Cette fois, c’est un inconnu qui en fait les frais : Mahir Akkoyun, un graphiste de la ville égéenne d’Izmir, qui a partagé deux de ses créations sur les réseaux sociaux. Le design est très simple : sur un fond bleu, une photo du président turc et ce slogan explicite : « Ce produit vous paraît cher ? C’est grâce à Erdogan. Pensez-y quand vous voterez. » Sur l’autre, un fond orange, à peu près le même slogan, et une photo du président et de son principal allié, le dirigeant d’extrême-droite Devlet Bahçeli.

Mahir Akkoyun proposait d’en faire des autocollants et de les placer dans les rayons des magasins, sur les produits devenus hors de prix… Le taux d’inflation officiel en Turquie a en effet bondi jusqu’à 85% en 2022 et s’établit ces derniers temps autour des 50% – une inflation largement due à la politique monétaire de Recep Tayyip Erdogan. Des internautes se sont emparés des graphismes de Mahir Akkoyun pour les coller sur des paquets de couches, de viande, de thé… et partager les photos sur les réseaux sociaux. Mais cette campagne anti-Erdogan n’a pas du tout plu aux autorités.

Arrestation et effet StreisandDeux jours après avoir partagé ces images, le 7 avril, Mahir Akkoyun a été arrêté et placé en garde à vue pour « insulte au président » et « perturbation de l’ordre électoral », des accusations passibles de quatre et un an de prison. Il a été présenté à un juge, qui l’a remis en liberté quelques heures plus tard. Entre-temps, son arrestation avait fait le tour des médias et des réseaux sociaux, si bien que ses autocollants ont été partagés des dizaines de milliers de fois, offrant au jeune graphiste une visibilité inespérée.

Le fait que l’auteur de telles images ait été arrêté n’est pas du tout étonnant. Rien qu’en 2022, plus de 16 500 personnes ont été jugées en Turquie pour « insulte au président ». C’est l’une des accusations les plus courantes pour s’en prendre aux opposants du président Erdogan. Mahir Akkoyun n’est donc qu’un exemple parmi d’autres.

Inquiétude dans le camp présidentiel

Toutefois, il est évident qu’en ce moment, le pouvoir se montre d’autant plus intransigeant à l’égard des critiques que la Turquie est en pleine campagne électorale et que Recep Tayyip Erdogan, pour la première fois en 20 ans, ne part pas vainqueur. La rapidité avec laquelle les autorités ont tenté de faire taire ce graphiste en dit long sur l’inquiétude qui règne dans le camp du pouvoir. Car Mahir Akkoyun, avec ses autocollants, frappe là où cela fait mal : l’inflation, la chute du pouvoir d’achat, et le mécontentement d’une large partie des Turcs.

C’est à cause de ce mécontentement que les chaines de télévision proches du pouvoir ont refusé, la semaine dernière, de diffuser des spots publicitaires de Kemal Kiliçdaroglu, le principal rival de Recep Tayyip Erdogan à la présidentielle. Des vidéos dans lesquelles il promet de réclamer des centaines de milliards de dollars à un petit groupe d’hommes d’affaires proches de l’actuel président, et de s’en servir pour améliorer le niveau de vie de dizaines de millions de Turcs. 

Amadeus

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