Mahammed Dionne, le double bouton factice
Le 9 septembre 2023, le Président Macky Sall a convoqué sa coalition, Benno bokk yaakar (Bby), et délivré les raisons de son choix de candidat porté sur la personne de Amadou Ba, pour la prochaine élection présidentielle. A la fin de la rencontre, Mahammed Boun Abdallah Dionne le contacte pour lui dire : «Monsieur le Président, je me conformerai à votre choix et je reste comme toujours à votre entière disposition.» Macky Sall est ravi de cette première réaction et enjoint Amadou Ba de discuter rapidement avec son ancien Premier ministre. Il faut dire que quelques instants avant d’aller à la rencontre avec la coalition politique Bby, le Président Macky Sall a reçu Amadou Ba pour lui indiquer de se rapprocher des ténors, candidats malheureux à la candidature de Bby. C’est ainsi que des rendez-vous avaient déjà été calés avec certains d’entre eux dont Aly Ngouille Ndiaye, qui n’avait pas fait le déplacement ce jour-là, pour assister à la réunion. Il savait déjà qu’il n’était pas choisi par le Président Sall, qui le lui avait annoncé, quelques jours auparavant, à l’occasion d’un voyage à l’étranger. Aly Ngouille Ndiaye et Amadou Ba n’ont finalement pas pu se voir le même jour, comme prévu, car dès l’annonce publique du choix porté sur Amadou Ba, le ministre de l’Agriculture a fulminé, avec fracas, sur les ondes de la Radio Futurs médias (Rfm), et a présenté sa démission du gouvernement. Il a, à la même occasion, fait sa propre déclaration de candidature.
La sortie médiatique de Aly Ngouille Ndiaye a fortement rebuté le Président Sall et cela donnait davantage de relief à la réaction spontanée de Mahammed Dionne, qui lui donnait du baume au cœur. C’est ainsi que le lendemain dimanche 10 septembre 2023, après l’émission Grand Jury avec Babacar Fall sur la Rfm, à travers laquelle je présentais mon nouveau livre : «Macky Sall, derrière le masque» dont la publication était prévue pour le lundi 11 septembre 2023, le Président Sall m’appela pour m’assurer des nouveaux bons sentiments de Mahammed Dionne. En effet, je n’avais nullement été tendre avec son ancien collaborateur, au cours de l’émission, encore moins dans le livre. Je dis mon scepticisme au Président Sall, en lui précisant que les jours à venir nous édifieront sans doute. Amadou Ba était aussi rassuré par la posture de Mahammed Dionne qui l’aura appelé le samedi soir, 9 septembre 2023, pour l’assurer personnellement de son soutien. Je restais persuadé de la duplicité car je savais que Mahammed Dionne avait approché, dans le même temps, un autre candidat malheureux, Abdoulaye Daouda Diallo, pour lui proposer une alliance dont le même Mahammed Dionne revendiquait le leadership. Abdoulaye Daouda Diallo prendra d’ailleurs cette proposition comme une insulte. Pressentant que le choix final de Macky Sall ne porterait pas sur leurs personnes, Mahammed Dionne avait aussi déjà pris les devants pour proposer une alliance à Aly Ngouille Ndiaye.
Je poursuivis donc, sur le plateau de la Télévision Futurs Médias (Tfm) et sur celui de la Radio-Télévision sénégalaise (Rts), à détricoter, avec forces anecdotes et révélations, la fausse image d’une obéissance aveugle de Mahammed Dionne à l’égard du Président Sall. Amadou Ba, dans un souci de rassembler son camp politique, a enfreint une ligne de conduite dans nos relations, en se risquant à me demander, au nom de notre amitié, de mettre la pédale un peu plus douce. Je lui rétorquais que le Président Macky Sall peut toujours croire Mahammed Dionne, mais j’espère que lui, Amadou Ba, ne serait pas aussi crédule jusqu’à confier des rôles importants à Mahammed Dionne dans sa campagne électorale. Fort d’on ne sait quelle assurance, Amadou Ba insiste : «Non mon frère, Mahammed s’est complètement aligné, il ne fera pas de difficulté. Il a même donné des gages au Président.» Je lui dis : «Je n’ai franchement pas confiance. Qui trahit une fois, trahira deux fois !» Quand Mahammed Dionne a fini de rendre publique sa candidature, c’est un Amadou Ba chancelant qui me dit : «Tu as eu raison sur nous.» A la vérité, j’ai pu mesurer les ignominies que me racontait Mahammed Dionne, conduit à mon domicile en 2008 par un proche de Karim Wade, sur Macky Sall, du temps où ce dernier était farouchement combattu par les responsables du Parti démocratique sénégalais (Pds). Les proches de Karim Wade voulaient faire une campagne de déballage à laquelle j’avais refusé de m’associer. Par respect pour le Président Macky Sall, je ne lui ai jamais rapporté les propos de celui qui deviendra son Premier ministre. Seulement, Mahammed Dionne semble croire le contraire, car à son départ de la Primature en 2019, il a confié à certains proches que si le Président Sall a adopté une attitude devenue hostile à son égard, c’est à cause de Madiambal Diagne. L’homme sait parfaitement ce qu’il peut se reprocher. Je rapporte dans le livre : «Macky Sall, derrière le masque», que Mahammed Dionne, en février 2014, après s’être rabiboché avec le Président Sall en Chine, avait tenu à venir m’expliquer avoir été induit en erreur par les «salopards» du camp de Karim Wade. En tout état de cause, quand en 2015, le Président Sall m’avait mis en relation avec son Premier ministre Mahammed Dionne pour régler certaines urgences, je lui ai clairement précisé que je ne souhaitais plus qu’il me mette en relation avec ce dernier. Le Président Macky Sall a eu la pudeur ou la délicatesse de ne pas me demander les raisons. Il reste que je ne lui aurais sans doute pas dit le fin mot de l’histoire. C’est dire que le zèle que Mahammed Dionne a toujours voulu montrer pour servir le Président Sall ne m’a jamais trompé. Il se réclamait être le «double bouton», entièrement à la disposition du Président Sall. Son zèle finissait par agacer bien du monde dans l’entourage présidentiel.
L’imposture ou l’escroquerie politique de chercher à se faire passer pour le véritable candidat de Macky Sall
Il reste qu’il se pose un véritable problème de cohérence politique qui apparaît dans la déclaration de candidature de Mahammed Dionne à l’élection présidentielle de 2024. Au demeurant, n’a-t-il pas publiquement clamé l’unité de son camp politique pour respecter scrupuleusement le choix du candidat, qu’aura fait le Président Sall qui avait reçu à cet effet, de la Coalition Bby, mandat ou carte blanche ? Mahammed Dionne n’a-t-il pas été le premier des candidats à la candidature à décliner la proposition faite par le Président Sall, de mettre en place un collège électoral composé de «grands électeurs», que seraient les députés, maires, ministres, conseillers départementaux de la coalition ? Ce serait une certaine forme de «primaires» pour désigner le candidat. Les candidats à la candidature s’étaient unanimement prononcés pour laisser le choix exclusivement au Président Sall. Autrement, ils disaient que ce serait manquer de respect et de confiance à sa clairvoyance. Il apparaît alors bien aberrant de se rebeller, une fois que le choix est porté sur une autre personne ! N’est-il pas aussi d’une sidérante hypocrisie que de contester le choix du Président Sall et de dire, dans une déclaration publiée le jeudi 21 septembre 2023 par Mahammed Dionne, s’inscrire dans la ligne de l’héritage politique du même Macky Sall et de vouloir poursuivre son action ? C’est aussi manquer de respect aux Sénégalais que le même Mahammed Dionne, après avoir passé plus de dix ans aux côtés de Macky Sall, découvre subitement qu’il faudrait travailler à ramener la paix dans ce pays et qu’il faudrait travailler à trouver des solutions au désarroi des jeunes. «Je m’engage pour un pacte nouveau, qui réconcilie la République avec sa jeunesse dont le malaise nécessite l’adoption urgente d’une nouvelle politique nationale de jeunesse. Désormais, donner un métier à chaque jeune Sénégalais, et l’accompagner dans son aspiration légitime d’une vie meilleure dans le pays qui est le sien, doit être la sur-priorité des pouvoirs publics sénégalais», soutient-il dans sa déclaration de candidature.
Assurément, plus de cinq bonnes années comme Premier ministre ne lui auraient pas suffi pour prendre le pouls du pays. C’est seulement la semaine dernière qu’il se réveille de son long et profond sommeil ! Autrement, n’aurait-il jamais cru à la pertinence des politiques définies par le président de la République dont il était le sage et dévoué Premier ministre ? Macky Sall et les autres Sénégalais apprécieront les engagements de Mahammed Dionne : «Je m’engage enfin pour réconcilier davantage la République avec les corps sociaux intermédiaires de notre société afin de mieux soutenir la cohésion sociale de notre Nation. Nous atteindrons ces objectifs de rattrapage économique et social sur une période de cinq ans. Notre ambition pour le Sénégal s’exprimera à travers une série de réformes et de projets nouveaux qui se déclineront en marqueurs forts dans le programme du gouvernement que je mettrais en place au lendemain de notre victoire, en février 2024. Ces marqueurs concernent :
• une gouvernance institutionnelle plus déconcentrée et plus équilibrée qui garantit l’efficacité d’une coopération, dans le respect et l’indépendance, des différents pouvoirs de notre République ;
• une meilleure protection des libertés individuelles et publiques par une Justice indépendante, gage de la réalisation de notre idéal démocratique et véritable gardienne de la légalité pour tous ;
• une plus grande souveraineté économique renforçant en même temps notre souveraineté politique et protégeant le Peuple sénégalais contre la flambée des prix internationaux des denrées qui nous sont essentielles ;
• la rénovation du service public grâce à une Administration résolument orientée vers les services à l’entreprise et des réformes qui facilitent l’entreprenariat en général, celui des jeunes en particulier ; l’objectif recherché étant de positionner le Sénégal comme le pays le plus attractif en Afrique subsaharienne au plan de la promotion d’un environnement favorable aux affaires ;
• une stratégie d’appropriation par le Peuple de nos ressources naturelles, en particulier en ce qui concerne l’atout pétrolier et gazier du pays, grâce à la transformation locale des ressources et la montée en puissance de l’Etat dans le capital des consortia d’exploitation ;
• des politiques publiques encore plus efficientes dans les secteurs de la santé, de la recherche, de l’innovation, de l’éducation, de la formation, de l’insertion professionnelle, de l’artisanat, de la petite et moyenne industrie, de la technologie, de l’habitat et du cadre de vie ;
• la promotion de chaînes de valeur agroindustrielles compétitives, base de la souveraineté alimentaire nationale.»
Sur un autre registre, on ne peut pas ne pas s’étonner de sa nouvelle alliance politique, annoncée par la publication d’une photo en compagnie de Aly Ngouille Ndiaye. Cela donne des relents d’une opposition crypto-personnelle car s’ils se mettent ensemble, c’est sans doute parce que l’un a accepté de se mettre derrière l’autre, ce que chacun d’eux refuse de faire avec Amadou Ba. Certains de leurs partisans revendiqueraient une certaine légitimité historique ou l’antériorité d’un certain engagement politique aux côtés de Macky Sall, que n’aurait pas Amadou Ba. Assurément, de tous les candidats déclarés à la candidature de Bby, seul Abdoulaye Daouda Diallo pourrait s’en prévaloir ! Mahammed Dionne n’a rejoint Macky Sall que durant la campagne du second tour de la Présidentielle de 2012 à l’étape de Mbour, et leurs retrouvailles n’étaient pas chaleureuses, pour dire le moins. C’est ainsi que le Président Sall avait catégoriquement refusé de le recevoir, le 2 juin 2013, quand Mahammed Dionne s’était déplacé jusqu’à Yokohama (Japon), pour espérer le rencontrer. C’est dire la profondeur du dépit qui animait Macky Sall ! Mame Boye Diao non plus, n’est entré en politique, au sein de l’Alliance pour la République (Apr), qu’après les élections législatives de 2017. Aly Ngouille Ndiaye, à la tête d’un mouvement politique autonome, avait reçu les promesses les plus mirobolantes de la part du Président Abdoulaye Wade, pour soutenir sa candidature en 2012. Conduit à mon domicile, par notre ami commun l’architecte Thiao Kandji, en septembre 2011, pour demander conseil sur la conduite à tenir, je lui avais enjoint d’éviter de se rapprocher du camp de Me Wade. Je ne pense pas qu’il ait eu à regretter d’avoir suivi mes conseils. Le Président Macky Sall est on ne peut plus révulsé de découvrir le véritable visage de son ancien Premier ministre. Le mercredi 13 septembre 2023, il reçoit Mahammed Dionne, histoire de l’encourager à travailler avec Amadou Ba. Mais il découvrira un visage inconnu. Mahammed Dionne s’est montré d’une arrogance sidérante, au point que Macky Sall s’indigne : «Mais Mahammed, c’est à moi que tu parles de la sorte !» Comme déchaîné, dans un état second, Mahammed Dionne révèle une irrévérence qui ne laisse plus le choix à Macky Sall que de mettre un terme à l’entrevue. Le Général Meïssa Cellé Ndiaye, l’Aide de camp du Président Sall, ne peut rattraper la situation et n’arrive toujours pas à savoir quelle mouche a pu piquer Mahammed Dionne. Pourtant, ce dernier veut faire croire autour de lui et particulièrement à de nombreux militants et responsables de l’Apr, que sa candidature est inspirée, adoubée et soutenue par le Président Macky Sall. En séjour à New York, le chef de l’Etat a tenu à faire une mise au point, le jeudi 21 septembre 2023, pour battre en brèche cette fausse façon de présenter les choses. Mais est-ce suffisant ?
Par Madiambal DIAGNE
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