Guerre en Ukraine: Quelles perspectives à la fin de ce deuxième hiver de conflit…?
Alors que la guerre d’hiver annoncée avec fracas par l’armée russe n’a pas produit d’effets majeurs, l’armée ukrainienne à son tour fourbit ses armes en prévision d’une offensive dans les prochaines semaines. La Fondation pour la Recherche Stratégique publie une analyse sur la situation des deux armées. Pour ses auteurs, l’armée russe se trouve dans une situation critique.
S’il y a une bataille qui illustre la guerre d’usure que se livrent Ukrainiens et Russes, c’est Bakhmout. Depuis des mois, l’armée russe et les mercenaires de Wagner tentent de s’emparer de cette petite ville du Donbass, qui revêt plus un intérêt symbolique que stratégique. Dans cette lutte acharnée, Moscou n’a conquis que 70 kilomètres carrés au mois de mars. Une offensive ratée, un gain misérable en contrepartie d’effroyables pertes, indique Philippe Gros, de la Fondation pour la recherche stratégique. « L’armée russe a été confrontée à un tel niveau de perte qu’elle était probablement en voie d’effondrement à l’automne 2022. Des pertes humaines et des pertes matérielles, ce qui explique que le Kremlin n’ait eu d’autre choix que de se lancer dans une mobilisation partielle pour tout simplement rempoter les effectifs. »
Selon la Fondation pour la recherche stratégique, il est possible que l’armée russe ait perdu, qu’ils soient tués ou blessés, près de la moitié de ses 30 000 officiers : une armée presque sans officiers. Si la guerre décime les troupes, elle use aussi les machines. Les Russes n’auraient plus que 2 000 blindés opérationnels en réserve, ils en ont déjà perdu autant, pointe Vincent Tourret.
L’armée russe « a disparu »
« L’armée russe qui s’est engagée en Ukraine il y a un an, cette armée qui était censée être modernisée, qui avait pu bénéficier de dix ans d’investissement quand même par l’État russe, cette armée-là, elle a disparu en fait. Fonctionnellement et humainement, elle a perdu ses cadres, elle a perdu son matériel et surtout, elle a perdu du coup la cohérence et les compétences qui lui permettaient de faire une guerre de manœuvre, insiste Vincent Tourret. Elle n’a plus du tout un potentiel suffisant pour pouvoir percer les lignes ukrainiennes, elle fait donc de la guerre d’attrition une guerre mécanique, une guerre brutale ».
L’artillerie russe connait aussi un effondrement de ses capacités. En conséquence, ils ne sont plus en mesure d’appliquer leur très redouté rouleau compresseur, souligne Philippe Gros. « Vous avez une artillerie russe qui est totalement usée qui a probablement dépensé la majeure partie de ces munitions et ainsi qui est rationnée dans sa puissance de feu. Et on le voit dans les combats, dans les récriminations des soldats russes, sur le manque d’appui, le manque de précision de leur artillerie. Encore une fois, les Russes n’ont plus la capacité d’exécuter leur concept tactique de reconnaissance feu. »
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Je m’abonneVers une contre-offensive ukrainienne au printemps ?
En termes de renseignement, de formation des soldats et de fournitures d’armes, Kiev demeure sous perfusion occidentale. Les munitions longue portée, les chars légers et lourds convergent vers l’est de l’Ukraine, pour une vaste offensive de printemps annoncée. Permettra-t-elle de briser le dispositif défensif russe ? Il n’y a pas de certitude, selon Vincent Tourret.
« L’Ukraine ne fait que gagner ces victoires pour l’instant. Elle inflige des pertes que l’armée russe n’a pas connues depuis -honnêtement- la Seconde guerre mondiale. Mais on est face à un pays, la Russie qui sait vraiment fermer à toute forme de calcul rationnel les coûts et les avantages de cette guerre et qui en a fait vraiment un conflit existentiel. Donc, on est face à des perspectives de guerre très très très longues, analyse Vincent Tourret. Et pour nous, ça intime le fait de vraiment prendre conscience qu’on est entré à nouveau dans une vieille armée avec un nouveau bloc de l’Est qui est certes beaucoup plus réduit – pour l’instant c’est que la Biélorussie et la Russie-, mais on est face à un pays qui ne comprend plus ses relations qu’avec nous qu’à travers l’épreuve de force »
En cas de succès militaire ukrainien, l’effondrement du pouvoir russe se traduisant par une lutte armée pour la succession au Kremlin est possible, notent Philippe Gros et Vincent Tourret. Les deux chercheurs indiquent que ces scénarios de rupture sont aujourd’hui ouvertement pris en compte à Kiev comme à Washington.