Cléopâtre joué par une actrice noire : Netflix crée le scandale

Surnommée «La Grecque», celle qui régnait sur un royaume allant de l’Egypte, au sud de la Syrie, en passant par Chypre et Cyrène, ouvre une série documentaire produite et racontée par Jada Pinkett Smith, la femme de Will Smith. Avant même sa diffusion, elle est au cœur d’une polémique.

Que disent les textes de son aspect physique ? Rien, la beauté de Cléopâtre est une invention moderne. «Elle était jolie, mais pas plus que d’autres jeunes femmes, et c’est l’ensemble de sa personne qui séduisait. Selon les écrits de Plutarque et de Dion Cassius, ce qui faisait son charme, c’étaient sa voix et sa conversation», explique, à nos confrères de Géo,Maurice Sartre, professeur émérite à l’université de Tours, spécialiste de l’Antiquité et du monde romain oriental, auteur chez Tallandier de Cléopâtre, un rêve de puissance. Quid de la couleur de peau de cette souveraine qui a régné sur le pays des Pharaons entre 51 et 30 av. J-C. ?

Si pour les historiens, Cléopâtre VII Philopator fait partie de la dynastie macédonienne des Lagides, fondée par Ptolémée Ier, ancien général de Alexandre le Grand, pour Netflix, elle était africaine. Jada Pinkett Smith, la femme de Will Smith, inaugure sa série sur les reines puissantes avec «celle qui n’a jamais été une Egyptienne de sang mais juste une Egyptienne de sol en raison de ses origines hellénistiques» (Maurice Sartre). Et la représente donc par une actrice noire. La diffusion du trailer de ce documentaire programmé le 10 mai sur la plateforme de streaming embrase les réseaux sociaux. Beaucoup y parlent d’une réécriture militante de l’histoire. D’une nouvelle expression de la cancel culture.

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Dans le trailer, une intervenante affirme qu’il est possible que Cléopâtre soit Egyptienne. Une théorie qui n’est pas neuve. En 2009, un documentaire de la Bbc, intitulé Cléopâtre : portrait d’une meurtrière, affirmait qu’elle avait du sang africain. Selon les réalisateurs de ce film, des analyses ont prouvé que des restes humains retrouvés dans une tombe en Turquie étaient ceux d’une sœur de Cléopâtre, la princesse Arsinoé IV. Une étude de son crâne a montré que Arsinoé possédait des caractéristiques africaines, ce qui tendrait à démontrer que Cléopâtre avait également des origines africaines. «Le fait que Arsinoé avait une mère africaine est réellement sensationnel et jette une nouvelle lumière sur la famille de Cléopâtre», se félicitait alors Hilke Thuer, de l’Académie des sciences autrichienne, qui conduisait l’équipe de chercheurs.

Parmi la communauté des historiens et des égyptologues, cette théorie ne fait cependant pas l’unanimité. L’origine des Egyptiens de l’Antiquité est au cœur de débats scientifiques et politiques depuis des décennies. La dernière exposition parisienne sur Toutankhamon avait suscité des protestations de la part des militants afrocentristes. Ceux-ci reprochaient aux commissaires de ne pas représenter le pharaon avec sa vraie couleur de peau. Et ce même si, là encore, la majorité des égyptologues ne croient pas que Toutankhamon était noir. Dans la deuxième saison de sa série documentaire, Jada Pinkett Smith entend aussi révéler la puissance de la reine et guerrière Njinga du Ndongo et Matamba, qui s’est battue au 17e siècle contre le commerce des esclaves par le Portugal. Avec l’ambition, dit-elle, de rétablir «les réalités historiques des vécus de ces femmes»…