Commission d’enquête parlementaire sur le Conseil constitutionnel: Le Parlement veut-il humilier les juges du Conseil constitutionnel ?
C’est en fast-track que le bureau de l’assemblée nationale a été convoqué à la suite de la demande de mise en place en place d’une commission d’enquête parlementaire. Objectif, selon les députés libéraux porteurs de la demande, éclairer l’opinion sur des soupçons de corruption et de conflits d’intérêts qui placent les 7 sages notamment Cheikh Ndiaye et Cheikh Tidiane Coulibaly au centre des regards.
Le Parlement veut-il humilier les juges du Conseil constitutionnel ? La question s’impose au regard de la célérité avec laquelle le bureau du Parlement a été convoqué, hier, jeudi, à 16 heures, 24 heures après La demande de mise en place d’une commission d’enquête parlementaire des députés libéraux au sujet de l’invalidation de la candidature de Karim Wade. Le dossier est déjà sur la table du président de l’assemblée nationale. Le bureau de l’assemblée nationale a, en effet, été convoquée, hier, à 16 heures. Et selon toute vraisemblance, « la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire » pour éclairer les raisons ayant occasionné l’élimination de Karim Wade à la Présidentielle seront évoquées. Pourtant, comme l’a rappelé le député Guy Marius Sagna, huit de ses demandes de mise en place de Commission d’enquête parlementaire ont été « jetées au musée de l’assemblée nationale du Sénégal ». Parmi ces huit demandes, figure une commission d’enquête sur l’argent des 93 jambars morts en 1991lors de la guerre du Golfe.
Les députés du groupe parlementaire Liberté-Démocratie et Changement se frottent, sans doute, les mains. En moins de 48 heures, le bureau du Parlement va débattre de l’opportunité de mettre en place une commission parlementaire chargée d’enquêter sur les accusations portées contre notamment des membres du Conseil constitutionnel. Passé cet obstacle, le groupe libéral devra s’assurer du vote de la majorité, car la question sera soumise en plénière. Rien à priori ne présage de l’attitude des députés de Benno Bokk Yaakaar surtout au moment où de plus en plus de groupes, jusque dans la mouvance présidentielle, semblent favorables au report de la Présidentielle du 25 février 2024.
Un fast track intriguant
Mais quoi qu’il advienne de cette volonté des 24 députés libéraux, le « fast track » marqué par le bureau de l’assemblée intrigue, peut-être même indigne plus d’un. Certains trouvent que l’accès à cette demande de Commission d’enquête parlementaire porte gravement atteinte à l’honneur des juges du Conseil constitutionnel, en raison de la gravité des accusations portées à leur encontre. Dans un communiqué rendu public le 21, les parlementaires libéraux trouvent que la décision du Conseil constitutionnel est « scandaleuse et inacceptable » et jugent nécessaire une enquête approfondie pour faire la lumière sur les « conditions d’élimination des candidats ». Les députés libéraux ciblent en particulier « les conflits d’intérêts, les avantages et les soupçons de corruption et collusion de certains membres de notre Conseil constitutionnel avec certains candidats ». En croire ces signataires du communiqués, « Les juges Cheikh Tidiane Coulibaly et Cheikh Ndiaye auraient dû se récuser en raison de leurs connexions douteuses et de leur conflit d’intérêts ». En plus de la demande d’enquête parlementaire, le PDS et la coalition Karim 2024 font savoir leur volonté de déposer une plainte dans les prochains jours. Une plainte pour « révéler toutes les infractions et atteintes à la démocratie, aux droits du candidat et à la constitution ».
Des attaques de candidats au Conseil constitutionnel sont courantes dans le processus électoral au Sénégal. Aux Législatives de 1993 marqué par l’assassinat du juge Me Babacar Sèye, alors vice-président du Conseil constitutionnel, Wade, chef de file des libéraux et de l’opposition annonce dans un meeting à Diourbel : « Le Conseil constitutionnel n’est pas crédible. (…) Abdou Diouf étant candidat n’avait pas à nommer le président Conseil constitutionnel qui se trouve être son homme. Son Vice-président est un membre du Parti socialiste, c’est connu de tous ». Il faisait allusion au juge Youssou Ndiaye, président du Constitutionnel et à Me Babacar Sèye, son Vice-président. Mais, élu en 2012, c’est Youssou Ndiaye qui reçoit son serment. Mieux, il en fera son ministre des Sports.
Cette enquête parlementaire pourra-t-elle influer sur le cours des choses ? Là est la question. En tout état de cause, le Pds semble favorable à un report de la présidentielle. Sans compter ces ténors de Benno qui surfent sur les vagues d’un report. Même une frange des recalés souhaite le rapport. Il se susurre que c’était leur agenda caché. Mais face au rejet de l’opinion publique, ils ont changé de fusil d’épaule en prônant la liberté provisoire pour le candidat Diomaye Faye et une volonté affichée de vérifier à nouveau les parrainages. Macky semble les avoir coupés l’herbe sous les pieds. Sa religion est claire : « les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours ». Suffisant pour tempérer l’ardeur des uns et des autres.
Répétition de l’histoire
L’histoire se répète en 2012. Devenu président du Conseil constitutionnel en 2010, Cheikh Tidiane a essuyé les critiques et autres soupçons de l’opposition de l’époque dont le chef de file était Macky Sall. Pourtant, porté à la magistrature suprême, c’est Cheikh Tidiane Diakhaté qui a reçu le serment du nouveau chef d’Etat élu. Au cours de la cérémonie de prestation de serment, le président Diakhaté n’a été tendre vis-à-vis des nouveaux tenants du pouvoir notamment sur la question du troisième mandat validé de Wade. « Pour sa part, le Conseil constitutionnel, seul organe habilité en l’occurrence à dire le droit, estime avoir joué sa partition avec responsabilité, sérénité et impartialité, malgré les contrevérités, agressions, insultes, menaces et invectives. Il a, dans sa plénitude, accompli son devoir avec comme bréviaire l’exhortation de l’écrivain Jérôme Carlos : ‘Demain, dans le tir groupé de francs-tireurs embusqués, décochant, depuis leur sombre repère, des flèches assassines contre votre personne, (retenez que) c’est l’ambigu destin de ceux qui s’élèvent au-dessus du lot commun. C’est dire que, où que vous vous tournez, vous n’avez ni faveur ici ni grâce là. Soyez et restez votre propre ami. C’est-à-dire celui qui sait s’écouter lui-même pour n’entendre que la voix de la conscience’». Il poursuit, interpellant Macky Sall : « Monsieur le président de la République, il y a tant de frustrations, tant de souffrances et, parfois aussi, tant de désespoirs dans nos sociétés que l’urgence s’est pratiquement installée partout : l’emploi, surtout des jeunes, l’énergie, le coût de la vie, la vitalité de nos entreprises, la prise en charge des personnes vulnérables, sans occulter la dynamique de nos institutions ».