CMU – Rapport Cour des comptes : Un écart troublant de 5,2 milliards FCFA révélé
Malgré les sommes considérables allouées aux subventions dans le secteur de la santé au Sénégal, le service laisse à désirer. En effet, le rapport d’audit de la Cour des comptes de 2021 a mis en lumière un écart significatif entre les montants décaissés et les prestations de santé effectives fournies par les mutuelles de santé (MS). Cet écart, s’élevant à 5,2 milliards de francs CFA, soulève des préoccupations majeures quant à l’efficacité et à la transparence de l’utilisation des fonds destinés à la Couverture Maladie Universelle (CMU).
Un examen minutieux mené par la Cour des comptes dans la gestion budgétaire dédiée au secteur de la santé s’élevant à près de 20 milliards de francs CFA par an, représentant plus de 10% du budget de l’État alloué à la CMU, a révélé une série de lacunes et d’irrégularités.
L’analyse a mis a nu le fait que plus de 85% des ressources allouées sont destinées aux initiatives de gratuité et aux subventions, dont plus de 35% sont attribuées sous forme de subventions directes. Cependant, l’octroi de ces subventions souffre d’un manque de transparence et d’équité, avec des critères mal définis et un processus de gestion imprévisible, entravant ainsi la viabilité des mutuelles de santé et compromettant les prestations de santé pour les bénéficiaires.
150 200 000 F CFA de subventions intraçables
Plus préoccupant encore, le corps de contrôle de l’État pointe du doigt des pratiques irrégulières telles que l’attribution irrégulière de subventions massives à certaines entités, ainsi que des détournements de fonds présumés, notamment avec 150 200 000 F CFA de subventions attribuées mais intraçables dans la région de Louga. Des dérogations aux procédures de mise à disposition ont également été observées, avec des mutuelles recevant directement des subventions contournant les unions départementales, parfois sans justification claire.
Ces manquements jettent un sérieux doute sur l’efficacité et l’intégrité du processus d’allocation des ressources, mettant en péril les objectifs mêmes de la Couverture Maladie Universelle. Malgré les importantes sommes décaissées, les prestations de santé effectives restent largement insuffisantes.
Face à ces constats alarmants, la Cour des comptes appelle à un audit financier approfondi pour garantir la réception et l’utilisation adéquate des montants versés. De plus, elle souligne la nécessité d’un contrôle accru de l’Agence de la Couverture Maladie Universelle pour garantir une gestion transparente et efficace des subventions, ainsi qu’une utilisation appropriée des fonds alloués aux mutuelles de santé.
Déséquilibre entre les fonds alloués et les services de santé réellement fournis
Selon toujours le rapport d’analyse situationnelle des organisations mutualistes, sur la période de 2017 à 2019, les prestations de santé prises en charge par ces entités n’ont totalisé que 1 631 337 625 F CFA, bien en deçà des 6 856 312 459 F CFA versés par l’Agence de la Couverture Maladie Universelle (ACMU) sous forme de subventions à titre de cotisations. Sur une période plus étendue, de 2015 à 2019, le total des subventions versées atteint 12 603 936 159 F CFA, accentuant ainsi le déséquilibre entre les fonds alloués et les services de santé réellement fournis.
Cette disparité flagrante entre les montants décaissés et les prestations effectives soulève des inquiétudes quant à la gestion des ressources et à la qualité des soins de santé dispensés aux bénéficiaires de la CMU, en particulier les plus démunis.
Les vérificateurs ont également souligné que l’importance des subventions accordées aux organisations mutualistes les rend largement tributaires de l’ACMU pour leur bon fonctionnement. En effet, ces subventions représentent près de 57% de leurs ressources de 2017 à 2019, avec une part substantielle destinée à la prise en charge des bénéficiaires de la Stratégie de Financement Basée sur la Performance (SF/BF), les rendant de facto des prestataires de service public. Cela appelle à un contrôle renforcé de l’utilisation des fonds pour garantir une couverture maladie universelle véritablement efficace et équitable pour tous les citoyens.