Sidiki Kaba aux défenseurs des Droits de l’homme : «On doit cesser de brandir la CPI contre les États africains »

Sidiki Kaba aux défenseurs des Droits de l’homme : «On doit cesser de brandir la CPI contre les États africains »

Interpellé, dans une lettre ouverte en date 14 juin dernier, par ses anciens collègues défenseurs des Droits de l’homme africains, le ministre des Forces armées, Sidiki Kaba, vient de publier sa réponse. Dans la si longue lettre qu’il a adressée hier dimanche 18 juin aux droits-de-l’hommiste africains, l’ancien président et président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des Droits de l’homme (FIDH) s’est longuement épanché sur la menace de poursuite devant la CPI brandie contre l’État du Sénégal, au lendemain des manifestations sanglantes (16 morts, selon l’État, plus de 23 morts, d’après Amnesty International) du début du mois de juin 2023.

«On doit cesser de brandir contre les États africains la CPI», a déclaré Me Sidiki Kaba. 

Seneweb publie in extenso, ci-après, la réponse du ministre des Forces armées.

LA #RÉPONSE DE Me #SIDIKI_KABA À LA #LETTRE OUVERTE d’INTERPELLATION DATÉE du 14 JUIN DE DIVERS ACTEURS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE.

Hier, j’ai défendu les droits de l’homme avec ardeur.
Aujourd’hui, j´assure, à l’échelon ministériel, la défense de l’intégrité territoriale et la sécurité de mon pays ainsi que des hommes et femmes, nationaux ou hôtes étrangers qui y vivent grâce à la confiance du Président de la République Macky Sall.
Sous cet éclairage, mon engagement actuel est aussi noble que le précédent. Car les droits de l’homme ne fleurissent que là où la sécurité, condition sine qua non de tout développement, efface l’insécurité.
Je voudrais rappeler quelques principes universels et intangibles qui gouvernent toute action des défenseurs des droits humains tels qu’ils résultent de la « Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus », du 9 décembre 1998, dite Déclaration sur les Défenseurs des droits de l’homme.

En effet, les défenseurs des droits de l’homme sont des contre-pouvoirs qui doivent agir en toute indépendance et impartialité pour dénoncer toutes les violations des droits de l’homme qui peuvent être commises aussi bien par l’État que par tout individu ou groupe d’individus de tout bord.  

C’est uniquement dans cette posture qu’ils peuvent jouer à la fois les rôles de facilitateur, de médiateur et de régulateur social lorsque des crises surviennent dans une société démocratique.
Je voudrais, par ailleurs, préciser que la Cour pénale internationale [CPI) , née du Statut de Rome du 17 juillet 1998 est une juridiction pénale internationale de dernier recours.
Les États ont la priorité pour juger les crimes relevant de sa compétence. La CPI ne se substitue donc pas aux systèmes de juridictions nationales des États en vertu du principe de complémentarité.
La CPI juge , non pas des États, mais uniquement les auteurs des crimes de masse qui heurtent , du fait de leur gravité , la conscience universelle. À ce titre, la compétence matérielle de la CPI est circonscrite aux crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale à savoir les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les crimes d’agression qui sont tous imprescriptibles.
Dans ce cadre, seuls peuvent saisir la CPI les États parties, le Procureur de la CPI, autorisé par la chambre préliminaire après une enquête indépendante et impartiale, et enfin le Conseil de Sécurité de l’ONU compétent en vertu de l’Accord la liant à la CPI.  
On doit cesser de brandir contre les États africains la CPI comme un épouvantail au risque d’accréditer la thèse qu’elle est l’expression de l’impérialisme judiciaire de l’Occident – ce que nous avons toujours combattu – alors qu’elle est plutôt une réponse pour lutter contre l’impunité universelle des crimes de masse qui froissent la conscience universelle.
Je voudrais aussi rappeler que le Sénégal est un État de droit, qui dispose d’une justice performante, impartiale et indépendante capable de juger les crimes les plus graves. L’exemple le plus éclatant est l’organisation par le Sénégal du procès de Hisséne HABRÉ, ancien Chef de l’État du Tchad, jugé pour les crimes internationaux relevant de la compétence de la Cour pénale internationale. Habré a eu droit à un procès juste et équitable respectueux des normes et standards internationaux. Le Sénégal qui l’a jugé, « au nom de l’Afrique » a été félicité par l’UA, l’ONU et l’ensemble la communauté internationale. C’était un procès sans précédent en Afrique sous un format supranational. À l’époque, j’étais ministre de la Justice.

Le Sénégal, à l’instar de toutes les démocraties, est parfois sujet à des soubresauts sociopolitiques souvent à la veille d’échéances électorales importantes comme l’élection présidentielle alors et surtout que celle de 2024 se déroulera dans un contexte d’exploitation d’importants gisements de pétrole et de gaz qui aiguisent toutes les convoitises.
Fort heureusement, il recèle de mécanismes sociologiques de régulation de telles péripéties inhérentes à tout modèle démocratique comme le nôtre.
Je voudrais souligner que la situation qui prévaut au Sénégal est celle du maintien de l’ordre. Il n’y a ni situation de guerre civile ni celle de guerre contre un autre État.
Dans le cadre de sa mission régalienne pour maintenir l’ordre public, seul l’État a le monopole de la violence légitime qu’il exerce par le biais des Forces de Défense et de Sécurité (FDS).  
Celles-ci sont républicaines, professionnelles et responsables. Et elles agissent, tel qu’il leur est prescrit, dans le cadre de la légalité, de la nécessité et de la proportionnalité. Car elles ont pu, souvent, contenir avec sang-froid les assauts d’individus armés de cocktails Molotov, d’armes blanches et de lance- pierres qui pouvaient attenter à leur vie ou à celle de leurs compatriotes.
Notre système judiciaire a la capacité de juger dans l’indépendance et l’impartialité tout fait délictuel ou criminel découlant de manifestations violentes. Des procès sont en cours pour juger les auteurs présumés d’incendie de véhicules, de maisons, de magasins ou d’attaques contre les brigades de gendarmerie, de casernes…
Enfin, il y a lieu de relever que le Sénégal est une démocratie majeure qui a déjà enregistré deux alternances pacifiques en 2000 et en 2012. Deux élections (locales et législatives) ont été organisées dans la transparence en l’intervalle de six mois en 2022. Les résultats sont édifiants. Au Parlement, les forces de la majorité et de l’opposition s’équilibrent 82/83.
Le pouvoir ne peut s’acquérir que par le verdict des urnes et non par un mode d’accession violent découlant des fureurs de la rue. C’est le peuple souverain qui a toujours le dernier mot.
Faut-il souligner que notre pays a toujours su résoudre ses crises internes par le dialogue. C’est tout le sens du dialogue inclusif voulu par le président de la République Macky SALL, qui a invité toutes les forces vives de la Nation à se concerter pour trouver ensemble les consensus dynamiques aptes à garantir au système politique sénégalais la solidité et la stabilité dont il a besoin pour progresser.

Au demeurant, je rappelle que l’État a ordonné des enquêtes, qui sont en cours, pour identifier et poursuivre sans distinction les auteurs présumés des violences qui ont secoué le pays.
Le Sénégal est un pays ouvert où les défenseurs des droits de l’homme, nationaux, africains et internationaux exercent librement, en toute indépendance et sans aucune menace leurs activités militantes. Ils peuvent donc venir mener sans entrave leurs propres enquêtes avec impartialité et équité. Leurs conclusions seront examinées avec la plus grande attention par le Gouvernement qui leur apportera les réponses judiciaires et adéquates, en tant que de besoin.

PS : Se reporter aux différentes interventions de Me Sidiki KABA sur la question ;

– Point de presse de Me Sidiki KABA du 25 MAI 2023.

– L’émission Point de vue à la RTS du 28 mai 2023.  

– La conférence de presse du Gouvernement du jeudi 15 juin 2023.

Destinataires

Me Célestin Kokouvi G. AGBOGAN, Avocat au Barreau du Togo, Président LTDH / TOGO

M. Bacary GOUDIABY, Journaliste et Écrivain, Président du Collectif des Sénégalais de la Diaspora en France / SÉNÉGAL

M. Monzolouwè B. E. ATCHOLI KAO, Président de ASVITTO / TOGO

M. Emmanuel H. SOGADJI, Président de la LCT / TOGO

M. Abdou Khafor KANDJI, Membre de la Coordination du Mouvement Y’EN A MARRE / SÉNÉGAL

M. Serge Martin BAMBARA (Smockey), Porte-parole du Mouvement Balai Citoyen / BURKINA FASO

Mme Houefa Akpedje KOUASSI, Journaliste blogueuse / TOGO

M. Ferdinand Mensah AYITE, Journaliste / TOGO M. Zeus Komi AZIADOUVO, Journaliste et Écrivain / TOGO

M. Alphonse D. DIEDHIOU, Administrateur Afrique Solidarité ABSL / SÉNÉGAL

M. Laya DJONABAYE, Plate-Forme de Concertation de la Diaspora / TCHAD

M. Kuassi Cisco AMEGAH, Porte-parole du MED / Mouvement EHA-DZIN-Diaspora Togo

Me Alexis IHOU, Avocat au Barreau de Lille / Diaspora TOGO

Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D, Professeur de droit et Avocat / Guinée

M. Sylvain AMOS, Journaliste, Radio Kanal K et Avulete en Suisse, Diaspora TOGO

Me Raphaël N. KPANDE-ADZARE, Avocat au Barreau du Togo, PCA MCM / TOGO

Amadeus

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