Réussite économique du Rwanda: un succès trop inégal
Trente ans après le génocide, l’essor de l’économie rwandaise suscite l’admiration du monde entier. Un succès réel qui ne profite pas encore à la majorité de la population.
La reconstruction de l’économie est un succès indéniable. La gouvernance à la fois rigoureuse et dirigiste du Front patriotique rwandais (FPR) a permis à ce petit pays enclavé de se doter de routes, de centrales, d’hôpitaux indispensables au développement et de renouer avec une croissance robuste. De l’ordre de 7 à 8% depuis vingt ans. De quoi faire reculer la pauvreté. Elle concernait les trois quarts de la population en 2000, plus que la moitié en 2013. Mais encore la moitié aujourd’hui : c’est bien le problème, selon la Banque mondiale qui remarque que les progrès stagnent depuis dix ans.
Des fruits de la croissance mal partagés
Le Rwanda est encore l’un des pays les plus inégalitaires d’Afrique subsaharienne. Les fruits de sa prodigieuse croissance ont du mal à atteindre les campagnes où vit la majorité de la population. Le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités, est à 0,44. C’est le plus élevé de la Communauté d’Afrique de l’Est après le Soudan du Sud. Les services, le tourisme haut de gamme sont les nouveaux relais de croissance, mais le moteur essentiel est encore l’agriculture. C’est toujours plus d’un emploi sur deux et près de la moitié du PIB. Autre bémol qui relativise le miracle rwandais, 45% des revenus de l’État dépendent encore de l’aide internationale. Le gouvernement espère néanmoins entrer dans le club des économies à revenu intermédiaire d’ici à dix ans.
Un secteur privé pas assez développé
Un objectif ambitieux pour un pays encore fragilisé par ses relations orageuses avec ses voisins immédiats. Les entreprises locales se tournent de plus en plus vers les pays où elles bénéficient de la diplomatie active de Paul Kagame, comme la Centrafrique, ou plus récemment le Mozambique. En profitent surtout les sociétés contrôlées par Crystal Ventures Limited. Une holding très discrète et très puissante qui appartient au FPR. C’est le premier employeur après l’État. Un poids lourd dans les secteurs du bâtiment ou de la sécurité. Mais une société qui laisse peu de place à la concurrence, se plaignent à mots couverts les entrepreneurs privés. C’est pourtant le privé qu’il faut absolument développer, estime la Banque mondiale, pour créer de l’emploi et générer une croissance plus inclusive.
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