Bangladesh: la Première ministre démissionne, discussions sur un gouvernement intérimaire
Des milliers de manifestants antigouvernementaux ont pris d’assaut le palais de la Première ministre du Bangladesh lundi à Dacca, selon des images télévisées. Le chef de l’armée a annoncé la démission de la Première ministre et la formation d’un gouvernement intérimaire.
♦ Démission de la Première ministre. Au lendemain de nouveaux affrontements sanglants entre les manifestants et la police qui ont fait dimanche au moins 91 morts et des centaines de blessés, Sheikh Hasina a démissionné et fui en Inde. Le chef de l’armée a annoncé la formation d’un gouvernement intérimaire, en concertation avec les partis politiques du pays et le président. Des images à la télévision montraient des milliers de personnes en liesse dans les rues de la capitale Dacca tandis que la résidence officielle de Sheikh Hasina, l’un des bâtiments les plus protégés du pays, était prise d’assaut.
♦ Système de quotas. La contestation a commencé après la réintroduction en juin d’un système de quotas réservant à certains candidats plus de la moitié des emplois de la fonction publique, dont près d’un tiers aux descendants d’anciens combattants de la guerre d’indépendance du Bangladesh. Dans ce pays comptant quelque 18 millions de jeunes sans travail, selon les chiffres officiels, ce système a déclenché la colère des diplômés, jugeant ce régime discriminatoire. La mesure a été abandonnée sous la pression de la rue.
♦ Des centaines de morts, des milliers d’arrestations. La répression policière a fait à ce jour plus de 300 morts depuis le début du mouvement début juillet, selon un bilan de l’AFP à partir de données de la police, de responsables et de sources hospitalières. Début août, on dénombrait 9 000 arrestations, dont de nombreux leaders étudiants. Leur emprisonnement a attisé la colère des manifestants. Initialement contre des quotas d’emplois dans la fonction publique, les manifestations se sont muées en mobilisation contre l’usage illégitime de la force par le gouvernement.
Plusieurs médias bangladais et indiens font circuler les noms de personnalités qui pourraient constituer le futur gouvernement intérimaire. Il pourrait s’agir d’une équipe menée par deux intellectuels et écrivains reconnus, Salimullah Khan et Asif Nazrul.
Invité de RFI à la mi-journée, Jean-Luc Racine, directeur de recherche émérite au CNRS et spécialiste de l’Asie du Sud, dresse deux scénarios au vu des dernières informations. « D’un côté, il y a des hypothèses sur un gouvernement intérimaire qui serait éventuellement présidé par un écrivain et un universitaire, avec dedans 2 ou 3 militaires, 2 ou 3 anciens juges et d’autres personnes. Mais en même temps le mouvement étudiant qui a été rappelé à l’ordre en quelque sorte les militaires en disant « la Première ministre est partie, maintenant on se calme », a demandé à ce que si gouvernement intérimaire il y a, il se fasse dans le biais de consultation avec le mouvement étudiant et avec les citoyens. Donc point d’interrogation sur comment les choses vont se dérouler dans les quelques heures qui viennent, voire dans les quelques jours qui viennent. »
« Le pouvoir doit être transféré aux citoyens et aux étudiants révolutionnaires, estime une étudiante de la ville de Brahmanbaria blessé dans les manifestations de dimanche. Aucun autre gouvernement ne sera accepté. Les étudiants ne vont pas quitter la rue avant que la victoire finale soit atteinte. Nous arrêterons la mobilisation lorsqu’une vraie force politique prendra le pouvoir. Nous voulons que toutes les organisations politiques, tous les partis impliqués dans les meurtres des manifestants affrontent la justice. L’armée veut peut-être prendre le pouvoir, mais le chef de l’armée est un allié de Sheikh Hasina, donc nous ne l’accepterons pas…. Nous voulons que les dirigeants de l’armée soient neutres. »
RFI