Expulsion de Juan Branco du Sénégal : l’art et l’absence de manière ?

Expulsion de Juan Branco du Sénégal : l’art et l’absence de manière ?

À quelques heures du jugement de l’opposant Ousmane Sonko, condamné à deux mois de prison avec sursis, son avocat franco-espagnol Juan Branco a affirmé avoir été refoulé par la police aéroportuaire de Dakar.

© Damien Glez

Au Sénégal, les partisans et les pourfendeurs du choix de Juan Branco pour défendre Ousmane Sonko dans le procès intenté, pour diffamation, par Mame Mbaye Niang, le ministre sénégalais du Tourisme, mettent tous en avant – chacun à sa sauce – l’internationalisation d’un bras de fer à forts relents politiques. Pour les premiers, la présumée cabale contre l’opposant mérite une caisse de résonance au-delà des frontières sénégalaises. Pour les seconds, il serait illégitime de laver un linge sale purement judiciaire hors de la famille nationale.

Sur ce point, le refoulement illico presto du sulfureux maître Juan Branco par la police aéroportuaire de Dakar, à quelques heures du procès, apporte de l’eau médiatique au moulin transnational des aficionados de Sonko. Spécialiste des « happenings » politico-judiciaires, le bavard avocat franco-espagnol n’a pas eu besoin de grandes diatribes. Se contentant d’annoncer son expulsion de l’aéroport Blaise Diagne sur le réseau à l’oiseau bleu, il a laissé la twittosphère faire le reste, relayée par une presse illustrée – opportunément mais stérilement – par le billet d’avion de Branco.

Opinion chauffée à blanc

De quoi chauffer à blanc une opinion à qui suffisent quelques posts lapidaires et l’ambiguïté du chef de l’État sur sa volonté de quitter ou non le pouvoir à la fin de son mandat. Une opinion qui ne dédaigne plus fouler le bitume…

Largement surchargé – comme en témoignent ses réseaux sociaux –, Juan Branco aura économisé du temps en rentabilisant sa grande capacité à évoluer sur la ligne de crête entre politique et loi, lui qui fut candidat aux élections législatives françaises. Une stratégie qui mise sur les dossiers de lanceurs d’alertes et d’activistes – qualificatifs largement associés à Sonko, il y a une décennie –, que ceux-ci soient des fondateurs branchés de WikiLeaks, le gifleur royaliste d’Emmanuel Macron ou des prolétaires en gilet jaune. Le tout avec une teinte d’extrême gauche parfois qualifiée de complotiste. Étiquette qui, pour peu pertinente qu’elle soit en Afrique de l’Ouest, doit chatouiller le profil libéral de Macky Sall.

Voilà donc lancée à pleine vitesse une guerre de communication aux accents politiques, opportunistes ou non, à un an d’une présidentielle à laquelle Sonko espère bien participer. Les prétoires et les trottoirs servent de terrain de jeu aux deux camps, le parti politique de l’opposant ayant promis une plainte pour « tentative d’assassinat sur fond d’empoisonnement ».

À chaque camp de récolter les fruits de l’expulsion de Juan Branco, pour peu que les clameurs de la rue et les assertions du tribunal ne périment pas déjà la mésaventure aréoportuaire. La suspension d’un autre conseil d’Ousmane Sonko, maître Ousseynou Fall, a déjà permis aux « sonkoïstes » de réfuter l’idée que le régime n’en voudrait qu’aux avocats étrangers. Ja

Amadeus

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